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Turquie : les raisons de la réélection de Recep Tayyip Erdoğan

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Recep Tayyip Erdogan a remporté l’élection présidentielle en battant son rival de longue date, Kemal Kiliçdaroglu, au second tour qui s’est tenu dimanche. Il occupera ainsi la présidence de la Turquie pendant cinq années supplémentaires. Si Erdogan termine son mandat, il aura été au pouvoir pendant 26 ans.

Ce qui est remarquable, c’est que malgré une économie en déclin et une hyperinflation chronique, une situation qui aurait probablement entraîné la chute de tout gouvernement dans un pays démocratique, la majorité des Turcs ont choisi de réélire Erdogan. Comment a-t-il réussi à remporter les élections ?

Une élection avec des libertés limitées et des inégalités

L’élection présidentielle en Turquie a été déclarée libre, mais l’équité du processus est remise en question. Le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, un rival potentiel d’Erdogan, a été condamné à la prison, ce qui est perçu comme une manœuvre politique pour éliminer un adversaire puissant. Erdogan exerce un contrôle considérable sur les médias turcs, offrant une couverture médiatique disproportionnée en faveur de sa candidature. Des campagnes de diffamation ont été menées contre l’opposition, limitant son temps d’antenne et la présentant comme incompétente.

Fahrettin Altun, responsable des médias et de la communication présidentielle, joue un rôle central dans ce contrôle des médias et des réseaux sociaux, utilisant des tactiques de manipulation en ligne pour influencer les électeurs. Ces tactiques ont réussi à semer la confusion et la peur chez certains électeurs, les incitant à croire que l’élection de l’opposition entraînerait la détérioration du pays.

De plus, le processus électoral comporte des risques de fraude, avec un manque de transparence entourant le traitement des résultats. Les forces de sécurité, étroitement contrôlées par Erdogan, étaient responsables du transport des bulletins et des résultats électoraux, tandis que les résultats étaient rapportés uniquement par une agence publique. Bien qu’aucune preuve irréfutable de fraude n’ait été présentée, cela remet en question l’intégrité globale de l’élection.

Ces éléments soulignent la nécessité d’un changement de gouvernement et de renouveau en Turquie. Les défis sociaux, politiques et économiques auxquels le pays est confronté risquent de s’accentuer, avec une économie en décélération, des problèmes financiers et une politique étrangère qui suscite des inquiétudes chez les alliés occidentaux. L’avenir de la Turquie dépendra de la capacité d’Erdogan à trouver des sources de financement, à stimuler l’économie et à rétablir la confiance dans le processus démocratique.

Un soutien massif des électeurs religieux

Deux facteurs clés ont contribué au soutien massif des électeurs religieux en faveur d’Erdogan. Tout d’abord, Sinan Ogan, arrivé troisième au premier tour de l’élection présidentielle il y a deux semaines avec 5,2 % des voix, a appelé à voter en faveur d’Erdogan, répondant ainsi à sa persuasion.

Le deuxième facteur, et le plus important, réside dans la perception quasi surnaturelle qu’ont les électeurs conservateurs et religieux envers Erdogan. Pour eux, le président sortant est considéré comme un héros religieux et un sauveur.

La population religieuse de Turquie a longtemps été victime de persécutions au nom de la laïcité. Pour ces électeurs, Kiliçdaroglu et son Parti républicain du peuple incarnent cette persécution. Bien que Kiliçdaroglu ait abandonné les politiques laïques strictes du parti, ces électeurs ne lui ont jamais pardonné d’avoir interdit aux femmes musulmanes de porter le foulard dans les établissements d’enseignement et les institutions publiques, ainsi que d’avoir tenu la religion à l’écart de la vie publique et de la politique pendant de nombreuses décennies.

La droite conservatrice et religieuse turque voit en Erdogan un leader mondial et un héros qui a combattu les forces mal intentionnées, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, afin de restaurer la grandeur de la Turquie.

Quel avenir attend la Turquie après les élections ?

La situation en Turquie après les élections suscite des préoccupations et souligne la nécessité d’un changement de gouvernement et de renouveau. Le pays est confronté à des défis sociaux, politiques et économiques qui pourraient s’aggraver.

Malgré les promesses d’Erdogan de faire renaître la Turquie et de la hisser parmi les dix premières économies mondiales d’ici 2023, le pays peine à figurer dans le top 20 actuellement. L’économie a connu une nette décélération ces dernières années, avec une chute de la valeur de la livre turque qui rend l’économie dépendante du dollar.

Obtenir des liquidités en dollars est devenu difficile, et la Banque centrale turque a épuisé ses réserves pour maintenir l’économie à flot avant les élections. Le déficit du compte courant est élevé et les réserves sont tombées en territoire négatif pour la première fois depuis 2002.

Erdogan doit trouver des sources de financement, ce qui pourrait impliquer des emprunts étrangers à des taux d’intérêt élevés et des négociations diplomatiques pour attirer des investissements en Turquie. Cependant, l’incertitude entourant le succès de ces initiatives pourrait entraîner une période de récession économique.

Pour la population turque, cela pourrait se traduire par une augmentation du chômage et du coût de la vie. Le taux d’inflation est déjà élevé et pourrait continuer à augmenter alors que le gouvernement continue d’imprimer de la monnaie numérique pour payer ses fonctionnaires.

Sur le plan de la politique étrangère, Erdogan est susceptible de persister dans ses efforts pour faire de la Turquie une puissance régionale indépendante de l’OTAN, de l’Union européenne et des États-Unis. Cela pourrait inclure un renforcement des liens avec la Russie, ce qui suscite des inquiétudes parmi les alliés occidentaux du pays.

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