Comme de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, les Ivoiriens font face à une hausse des prix des produits alimentaires de première nécessité. Covid-19, bouleversements climatiques, coupures d’électricité, les raisons de l’inflation sont nombreuses, et le gouvernement est bien décidé à en faire son cheval de bataille. Tout en rassurant les Ivoiriens sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un phénomène uniquement national, et encore moins durable.
Inflation et incompréhension
Depuis plusieurs semaines, des activistes ivoiriens se plaignent de la flambée des prix des produits de première nécessité. “Tout a augmenté » se lamente Aimée, une résidente de Cocody. Pour le riz, le prix du kilogramme est passé de 450 FCFA à 550 FCFA de mars à juin 2021. Pour une commerçante du quartier Riviera de la commune, le constat est similaire : “Par exemple les haricots verts, la semaine passée on a acheté le kilo à 700 FCFA et aujourd’hui on vend à 2 500 le kilo. On ne comprend pas, les prix ont augmenté. Aujourd’hui, vraiment, cela a pris beaucoup d’ampleur”. De manière plus générale, selon les données de l’INS (Institut national de la statistique), le taux d’inflation est passé de 2,4% en janvier 2021 à 2,9% quatre mois plus tard. Le prix de la viande a connu une hausse de 13%, le prix du poisson a augmenté de 9%, et celui de l’huile de 8%.
Pour le Premier ministre ivoirien Patrick Achi, cette augmentation des prix s’explique facilement : la pandémie de Covid-19 a fortement impacté l’économie du pays, ralentie davantage encore par les importantes coupures d’électricité du mois de juin. Conséquences : un ralentissement de la production, une offre qui ne peut pas suivre la forte demande, des produits devenant plus rares… et des prix croissants.
Le jeu de l’offre et la demande
Dimanche 18 juillet, face à l’urgence de la situation, le ministre du Commerce et de l’Industrie Souleymane Diarrassouba a tenu à apporter quelques éclaircissements, affirmant au cours d’une conférence de presse que le gouvernement veille au bon encadrement des prix. “On a mis en place des procédures, de telle sorte qu’on ne souhaite pas gêner le marché, mais la protection du consommateur n’est pas négociable. Nous avons les instruments juridiques pour le faire qui nous permettent d’agir pour faire face au défi du mouvement consumériste”.
Pour Koizan Kablan Aimé, directeur général du Commerce intérieur, “le prix des denrées alimentaires (…) varie selon la loi de l’offre et de la demande”. “Les prix sont fixés par le jeu de la concurrence”, poursuit-il. Pour autant, conformément à l’article 3 de l’Ordonnance de 2013 relative à la concurrence, “le gouvernement peut réglementer les prix des biens, produits et services” en cas de dysfonctionnement du marché, dans le respect de la transparence.
Ce phénomène avait déjà été observé en 2017, lorsque le gouvernement a plafonné le prix de quelques produits essentiels, à l’instar du riz, de l’huile, ou encore du ciment, après une période de forte spéculation. Trois ans plus tard, avec la crise sanitaire du Covid-19, l’exécutif prend de nouvelles mesures pour fixer le prix du gel hydroalcoolique et ainsi atténuer les effets des fluctuations.
Mais ce n’est pas tout. Afin de promouvoir au mieux la transparence des prix, Koizan Kablan Aimé propose trois mesures : affichage des prix du marché directement chez les distributeurs ; assurance de conditions de ventes équitables pour l’ensemble des acteurs économiques ; mise à disposition des barèmes de prix. De quoi servir d’exemple aux autres pays de la région.
Un phénomène mondial
L’inflation en Côte d’Ivoire n’est pas un cas isolé, bien au contraire. Dans la ville béninoise de Parakou, les habitants espèrent des solutions. “Le prix du sac de 100 kg de piment qu’on prenait à 20 000 F ou 25 000 F est actuellement à 55 000 CFA sur le marché. Tous les produits vivriers ont augmenté de prix. L’huile qui était à 15 000, ça augmente de jour en jour de 1 000 F, 2000, 3000… C’est le cas aussi de la farine”. Même son de cloche en République Démocratique du Congo, au Nigéria, au Togo, au Burkina Faso… la liste est malheureusement longue. La hausse des prix dans les pays sud-sahéliens s’accompagne également d’une baisse des exportations (tomates du Burkina Faso, oignons en provenance du Niger, etc), ayant de facto un impact sur les montants de certains produits en Côte d’Ivoire.
Cette inflation s’observe à l’échelle mondiale et s’explique par plusieurs facteurs, rappelle le directeur général du Commerce intérieur de la Côte d’Ivoire. Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, les augmentations observées sur le marché international sont de l’ordre de 20 à 60% sur les principaux produits (céréales, riz, farine, oléagineux, etc). En outre, les tarifs de fret ont également augmenté de 20 à 30% et pour couronner le tout, le changement climatique (faible pluviométrie, sécheresse) affecte de manière significative les cultures et l’approvisionnement des produits. Par conséquent, la baisse de l’offre s’accompagne fatalement de tensions plus prononcées sur les prix de certains produits. Un sujet de société au cœur des préoccupations politiques actuelles.