L’avocat de Joseph Mifsud impliqué dans l’une des plus grandes affaires de fraude au monde

Géopolitique

Ce texte est une traduction d’un article initialement publié en anglais par le site buzzfeednews.com. Il a été écrit par les journalistes d’investigation Alberto Nardelli et Jordan Ryan.

LONDRES – L’avocat de Joseph Mifsud est mêlé à l’une des plus grandes affaires de fraude au monde, ajoutant une nouvelle couche d’intrigue à la saga de l’homme qui aurait vendu la mèche des e-mails volés d’Hillary Clinton à l’équipe de campagne de Donald Trump.

Des documents inédits et des documents judiciaires étudiés par l’équipe de BuzzFeed News ont révélé que Stephan Roh, l’avocat suisse de 53 ans de Joseph Mifsud, contrôlait des dizaines de sociétés offshore qui auraient finalement appartenu à nul autre que Mukhtar Ablyazov. Ablyazov est accusé d’avoir détourné des milliards de dollars appartenant à BTA, une banque kazakhstanaise, avant de les blanchir via un réseau tentaculaire de sociétés en s’appuyant sur des propriétés et des entreprises commerciales dans le monde entier.

Mifsud, quant à lui, est un insaisissable professeur maltais qui s’est avéré être une improbable figure centrale dans l’enquête du conseil spécial de Robert Mueller sur l’ingérence russe dans les élections américaines de 2016. L’ancien directeur du FBI James Comey l’ayant même qualifié d’« agent russe », une allégation que Mifsud et Roh ont démentie – Mifsud s’est souvent décrit comme un simple « homme de réseaux » qui aime rassembler les gens. Depuis le début de cette affaire, Mifsud semble avoir disparu de la surface de la planète – il n’a pas été vu en public depuis 2017, bien qu’il ait laissé une trainée de miettes dans toute l’Europe laissant deviner ses déplacements.

Mifsud étant introuvable, Roh a eu recours à des théories complotistes, depuis exposées comme étant fallacieuses, expliquant que son client aurait été piégé par les services secrets occidentaux qui en avaient après Donald Trump. Son lien, tout récemment mis à jour, avec Ablyazov – un magnat des affaires souvent connecté à Bernie Madoff, l’ancien financier derrière une des utilisations les plus célèbres du système de Ponzi – est le dernier rebondissement impliquant Roh dans une affaire de blanchiment d’argent tentaculaire et complexe.

Les documents consultés par BuzzFeed News montrent que pendant plusieurs années, Roh et ses partenaires ont fait circuler des actifs et des fonds qui, selon BTA Bank, appartiennent à Ablyazov et à ses proches. Pendant cette même période, Ablyazov faisait l’objet de procédures judiciaires aux États-Unis et au Royaume-Uni. Il faisait également l’objet de multiples ordonnances de gel d’avoirs et avait été reconnu coupable d’outrage au tribunal pour avoir dissimulé l’ampleur de ses possessions.

Contacté par BuzzFeed News, Roh a nié toute connexion avec Ablyazov, affirmant qu’il ne connaissait ni l’oligarque ni ses associés, et que ni lui ni son cabinet d’avocats n’avaient jamais agi pour Ablyazov ou ses sociétés. Il a menacé BuzzFeed News de poursuites judiciaires, a prétendu qu’un des auteurs de l’article était un espion britannique, avant de suggérer à l’autre une rencontre autour d’un « verre de vin ».

Les différentes affaires impliquant Ablyazov ont fait valoir qu’il a dissimulé une partie des milliards volés au cours d’une série massive d’investissements, allant d’une salle de concert en Serbie à des condos gérés par la Trump Organization en passant par un projet de réaménagement d’hôtel à New York et un centre commercial à Cincinnati.

L’oligarque kazakhstanais est aujourd’hui recherché au Kazakhstan, en Russie et en Ukraine, et le mandat d’arrêt qui le vise, émis par la justice britannique Uni en 2012, a été renouvelé l’année dernière. Il fait également l’objet de procédures judiciaires aux États-Unis.

Ablyazov a toujours clamé son innocence et insiste sur le fait que toutes les poursuites dont il fait l’objet sont politiquement motivées. Ses soutiens affirment qu’il est un dissident, inquiété par son opposition à l’ancien président kazakhstanais, Nursultan Nazarbayev. Ce dernier est accusé d’avoir orchestré des violations massives des droits de l’Homme et d’avoir dirigé un régime autoritaire pendant plusieurs décennies.

Tout comme pour Mifsud, la localisation actuelle d’Ablyazov est inconnue, bien que certains pensent qu’il vit à Paris.

Stephan Roh (au centre) lors d’un séminaire sur la guerre au Yémen organisé par le Conseil russe des affaires internationales, à Moscou, début octobre 2017. Mifsud a également participé à cet événement.

Russian International Affairs Council / Flickr / Via Flickr: russiancouncil

Roh et Mifsud se connaissent depuis au moins 10 ans. Mifsud a été consultant dans le cabinet d’avocats de Roh – RoH Attorneys at Law – et Roh a investi dans une université en Italie où Mifsud a enseigné. Roh s’est rendu à Moscou avec Mifsud lors de son dernier déplacement connu. Les deux hommes ont alors assisté à un séminaire sur la guerre au Yémen. Roh est l’une des rares personnes à avoir vu Mifsud depuis sa disparition officielle fin octobre 2017.

Un an plus tard, Roh a envoyé par e-mail une photo de Mifsud à plusieurs médias, dont BuzzFeed News. Elle avait apparemment été prise en mai. Selon Roh, Mifsud s’était rendu à Zurich pour obtenir une représentation légale à son cabinet. Une procuration datée du 21 mai est clairement visible sur la l’image.

Roh avait fait profil bas jusqu’à ce que Mifsud fasse la « une » un peu partout dans le monde. Depuis, il a été interviewé par le FBI dans le cadre de son enquête sur l’ingérence russe dans les élections américaines, et a même publié un livre – The Faking of Russia-Gate – sur la théorie du complot désormais discréditée selon laquelle Mifsud était avait été piégé pas les renseignements occidentaux.

Roh est le directeur de dizaines d’entreprises, comme le montrent les registres de nombreux pays. L’année dernière, BuzzFeed News avait révélé qu’il avait rebaptisé une de ses sociétés britanniques « The No Vichok Ltd » un mois après l’empoisonnement d’un ancien espion russe devenu agent double du MI6 à Salisbury.

Les registres montrent que Roh et sa femme – Olga, la directrice créative de la marque de mode Rohmir et une influenceuse Instagram des plus glamour, décrite par le Daily Mail comme la « descendante de l’aristocratie russe » après avoir acquis un château écossais en ruine – possèdent un parc immobilier valorisé à au moins 6 millions de livres au Royaume-Uni.

D’après la BBC, en 2005, Roh aurait acheté une petite entreprise nucléaire britannique appelée Severnvale Nuclear Services Ltd. Sous sa direction, le chiffre d’affaires de l’entreprise est passé de 42 000 £ à plus de 24 millions de livres par an en trois ans, alors qu’elle ne comptait que deux employés.

En réponse aux questions soulevées dans l’article de la BBC, Roh a suggéré que la BBC « corrige certains erreurs » avant de menaces de poursuites pour « diffamation ». Lorsqu’on lui a demandé s’il pouvait fournir des preuves documentaires pour étayer sa demande, Roh a répondu que « l’affaire était en cours de développement et ne pouvait pas être commentée à ce stade ».

La BBC n’a pas modifé son reportage, qui est toujours en ligne et s’avère inchangé. Une source de la BBC a déclaré que le média n’a fait l’objet d’aucune action en justice.

Mukhtar Ablyazov, figure de l’opposition kazakhe et oligarque (au centre), accompagné de ses avocats, quitte la prison de Fleury-Mérogis, près de Paris, dont il est sorti le 9 décembre 2016.

Martin Bureau / Getty Images

Pendant la décennie où Mifsud et Roh se fréquentaient, Ablyazov a passé son temps à tenter de garder une longueur d’avance sur BTA Bank. En 2009, Ablyazov, alors président de la banque, a en effet fui le Kazakhstan pour le Royaume-Uni, où il a obtenu l’asile politique.

Après la fuite d’Ablyazov, un audit a révélé un « trou massif » de plusieurs milliards de dollars dans les finances de la banque. BTA, l’un des plus gros prêteurs du Kazakhstan à l’époque, a été nationalisée et déclarée insolvable. Elle a ensuite entamé une procédure judiciaire contre Ablyazov, l’accusant de « fraude à une échelle épique ». Ablyazov, selon BTA, a utilisé un réseau de sociétés écrans et d’associés pour détourner quelque 10 milliards de dollars avant de s’enfuir au Royaume-Uni, où la banque a demandé avec succès un gel de ses actifs.

En 2012, Ablyazov a été reconnu coupable d’outrage à la cour pour avoir menti sur l’ampleur de sa fortune et dissimulé des avoirs qu’il aurait dû déclarer en vertu de l’ordonnance de gel. Il a été condamné à 22 mois de prison – mais s’est enfui en France, en autocar, depuis une gare routière du centre de Londres.

En 2013, Ablyazov a été arrêté près de Cannes sur la base d’une demande d’extradition de la Russie, où il a été accusé de détournement de fonds lié aux activités du BTA dans le pays. L’opération extravagante menant à son arrestation a commencé par la filature d’un de ses amis proches depuis Londres jusqu’à sa villa sur la Côte d’Azur. Les autorités ont alors déployé une équipe du GIGN, un hélicoptère et des véhicules blindés. La demande d’extradition russe a été initialement approuvée, mais elle a été rejetée par la plus haute juridiction administrative française en décembre 2016 au motif qu’elle avait été faite pour des motifs politiques.

Pendant ce temps, la procédure contre Ablyazov se poursuivait au Royaume-Uni. Au total, BTA a engagé 11 procédures contre son ancien président, obtenant des dédommagements d’une valeur d’environ 4,5 milliards de dollars, et cherche actuellement à les faire appliquer.

Le Président de la Cour, Nigel Teare, a estimé en 2013 que l’oligarque en cavale avait fraudé BTA, notant que les preuves montraient clairement qu’il avait participé à un « plan malhonnête » pour « détourner des fonds ».

Ablyazov n’a pas répondu directement lorsque contacté pour commenter l’affaire. Un membre de sa famille a déclaré à BuzzFeed News qu’il « n’était pas autorisé à participer à sa défense et n’avait aucune possibilité de prouver son innocence ». Un ancien conseiller d’Ablyazov l’a décrit comme une « victime de la persécution du régime [kazakhstanais] ».

Dans son arrêt attestant d’un outrage au tribunal, en 2012, le juge Teare a établi que parmi les actifs dissimulés figurait une entreprise enregistrée aux îles Marshall appelée FM Company.

Des documents ultérieurement ajoutés à la décision de gel révèlent qu’en 2006, FM Company a transféré 15 millions de dollars à une entité basée à Dubaï, appartenant elle-même à une société basée à Hong Kong – R&B Investment Group. Or, Stephan Roh est l’unique actionnaire de R&B Investment Group.

Roh n’a pas nié être le propriétaire de R&B mais a déclaré que la société n’avait aucune relation avec FM ou Ablyazov. « 15M n’ont jamais été reçus », a-t-il déclaré dans un courriel.

BIRN / Via birnsource.com

En octobre 2010, des enquêteurs engagés par BTA ont suivi le beau-frère d’Ablyazov dans un entrepôt du nord de Londres. Quatre mois plus tard, la banque a obtenu un mandat du tribunal pour fouiller une section spécifique dans l’installation.

Les enquêteurs y ont trouvé 25 boxes contenant des documents et de disques durs qui, selon BTA, ont permis d’évaluer l’ampleur du vaste réseau offshore d’Ablyazov, notamment des preuves énumérant des centaines de sociétés écrans offshore, qui ont ensuite été ajoutées à l’ordre de gel.

BuzzFeed News a eu accès à une autre série de documents confidentiels, notamment des accords juridiques, de la correspondance et des structures organisationnelles. Ils établissent un lien entre Roh et au moins 25 de ces entreprises, pour la plupart enregistrées dans les paradis financiers offshore bien connus des îles Vierges britanniques et des îles Marshall.

En août 2019, un cabinet d’avocats panaméen a envoyé 10 lettres à Roh pour confirmer sa démission de 10 sociétés. Dalgast Finance Limited, qui figure sur la liste de l’ordre de gel d’Ablyazov, était l’une de ces 10 sociétés.

Le cabinet de Roh est également l’une des dizaines d’entreprises averties dans l’ordonnance de gel que toute infraction volontaire de l’injonction constituerait un outrage au tribunal. Rien n’indique que Roh ou son cabinet d’avocats l’aient fait.

Les 25 entreprises contrôlées par M. Roh ont été ajoutées à l’ordre de gel le 31 juillet 2013, tandis que son cabinet d’avocats l’a été en janvier 2014.

Roh a fait savoir à BuzzFeed News dans une déclaration écrite que ces sociétés étaient inactives, sans actifs ni clients, et qu’elles n’avaient jamais été utilisées. Il a dit qu’elles avaient été accidentellement ajoutées à l’ordre de gel et avaient été « dégelées rapidement ». « Aucune n’est liée à Ablyazov », a-t-il ajouté. Roh a affirmé que les avocats de RoH avaient également été retirés de l’ordre de gel.

Mais BuzzFeed News a pu confirmer la semaine dernière que 24 des 25 sociétés, ainsi que le cabinet d’avocats de Roh, étaient toujours listées sur l’ordre de gel. Roh a été informé de ce fait et a demandé s’il se référait à une ordonnance de mise sous séquestre séparée, dont les 25 sociétés ont été retirées en 2017, quatre ans après avoir été ajoutées à l’ordonnance. Roh a répondu en insistant à plusieurs reprises sur le fait que toutes les sociétés avaient été « complètement retirées » et qu’elles étaient « hors » de la décision de gel. Depuis 2010, le juge a ajouté au total quelque 659 sociétés à l’ordonnance de mise sous séquestre, « sur la base du fait qu’il y a de bonnes raisons de croire qu’elles sont toutes dans la propriété effective ultime de M. Ablyazov ».

Les documents consultés par BuzzFeed News, qui comprennent la correspondance impliquant Roh, relient les 25 entreprises à une avocate et militante des droits de l’homme kazakhstanaise nommée Bota Jardemalie, une ancienne cadre supérieure de BTA. Jardemalie a conseillé Ablyazov et a déclaré à BuzzFeed News qu’en tant que membre de l’opposition, elle le considère comme un allié politique. Jardemalie a fui le Kazakhstan à peu près à la même époque que lui, puis s’est installée en Belgique, où elle a obtenu l’asile politique en 2013.

Dans une déclaration écrite, Jardemalie a déclaré qu’elle n’avait aucune relation financière avec Ablyazov et qu’elle n’avait été citée dans aucun procès impliquant l’oligarque. « J’ai été considérée comme une opposante au régime actuel du Kazakhstan et j’ai donc été victime de persécutions à motivation politique pendant des années en représailles à mon travail », a-t-elle déclaré.

Jardemalie a refusé de répondre à toute question portant spécifiquement sur Roh, son cabinet d’avocats, ou sur les 25 sociétés impliquées.

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Bien que Roh semble être une figure périphérique dans un projet beaucoup plus vaste impliquant des milliards de dollars et des centaines de sociétés, les 25 sociétés ne sont pas le seul lien entre l’avocat suisse et Ablyazov.

En 2016, le Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), un regroupement de journalistes d’investibation, et le Réseau de signalement des enquêtes dans les Balkans (BIRN) ont affirmé qu’une décennie plus tôt, Ablyazov avait utilisé une série d’entités offshore pour investir dans un complexe de divertissement et un hôtel à Belgrade, la capitale de la Serbie, en utilisant des fonds de BTA. Il n’avait pas été signalé à l’époque que Daniel Schroeder, avocat principal au cabinet de Roh, était impliqué dans l’opération.

Selon le BIRN, le complexe de Belgrade, évalué à 45 millions d’euros (environ 50 millions de dollars) a été développé par une société serbe contrôlée par une entité enregistrée aux BVI appelée Gainsford Investments. Soixante-dix pour cent des actions de Gainsford étaient à leur tour détenues par une autre entité appelée Glintmill Investments, dans laquelle les avocats de BTA affirment qu’Ablyazov avait des intérêts. Des documents publiés par la justice désignent un certain « Daniel Schroeder » comme directeur Glintmill. Ablyazov a déclaré au BIRN à l’époque qu’il n’avait aucune implication dans le complexe de Belgrade.

Répondant pour le compte de Schroeder, Roh a déclaré : « Nous ne connaissons pas cette société » et « M. Schroeder n’a pas agi pour elle », lorsqu’il a envoyé un lien vers les documents judiciaires accessibles au public qui suggèrent le contraire.

Un accord d’achat d’actions dans lequel Daniel Schroeder est décrit comme le directeur désigné de Glintmill Investments – une société qui, selon ce document, détient 70 % des parts de Gainsford Investments.

BIRN / Via birnsource.com

La relation entre Roh et Ablyazov implique également un personnage désormais central dans les poursuites judiciaires engagées contre Ablyazov et ses associés aux États-Unis, un comptable britannique basé à Dubaï nommé Eesh Aggarwal. « Si vous cherchez un comptable typique, essayez les pages jaunes », peut-on lire sur le site web d’Aggarwal.

Aggarwal est décrit dans une déclaration du tribunal comme « un conseiller financier loyal à Ablyazov ». Le document, soulevé par une cour américaine en mai 2016, allègue qu’une société contrôlée par Aggarwal était « une entité d’investissement d’Ablyazov utilisée pour dissimuler et déplacer ses fonds ». D’autres documents et rapports joints à la procédure américaine font le même co,stat sur la relation entre Aggarwal avec Ablyazov.

D’autres documents portés à la justice aux États-Unis et au Royaume-Uni affirment qu’Aggarwal a géré environ un demi-milliard de dollars de la fortune d’Ablyazov par l’intermédiaire de son gendre, Ilyas Khrapunov. Aggarwal n’a pas répondu à notre demande de commentaires, et nos nombreux appels à son bureau sont tombés directement sur sa boîte vocale.

En 2018, la Haute Cour d’Angleterre et du Pays de Galles a condamné à Khrapunov à payer plus de 500 millions de dollars de dommages et intérêts pour avoir conspiré avec Ablyazov afin de contourner l’ordre de gel qui visait ce dernier. Le jugement a établi qu’à compter de 2011, Khrapunov avait engagé Aggarwal pour gérer 500 millions de dollars d’actifs appartenant à Ablyazov.

Khrapunov nie qu’il est le propriétaire effectif des sociétés prétendument administrées par Aggarwal. Dans une déclaration écrite, il a indiqué qu’il n’avait pas pu se défendre au Royaume-Uni, expliquant qu’il ne s’était pas rendu en Grande-Bretagne par crainte d’être extradé. « Le tribunal a estimé que l’importance d’être contre-interrogé en personne au Royaume-Uni est plus importante que ma sécurité personnelle », a-t-il ajouté. Pour sa défense, M. Khrapunov a déclaré à BuzzFeed News qu’il avait engagé des poursuites contre BTA en Suisse et qu’une audience était prévue dans le courant de l’année.

La Haute Cour a indiqué que les craintes d’extradition de Khrapunov n’avaient « aucun fondement ».

D’autres preuves soumises à BuzzFeed News montrent que durant l’été 2013, une entité contrôlée par Aggarwal, appelée Beron, a accepté de transférer 2 millions de dollars à une société contrôlée par Georgy Gomshiashvili, un avocat senior du cabinet de Roh, pour des « conseils ». Beron est l’une des sociétés qu’Aggarwal aurait utilisées pour administrer les 500 millions de dollars précités.

Dans sa réponse écrite, Roh a déclaré : « Nous et M. Gomshiashvili ne connaissons pas M. Aggarwal et son entreprise Beron aussi bien que la transaction à laquelle vous faites référence. »

Cependant, un des documents consultés par BuzzFeed News montre qu’en août 2013, Gomshiashvili, qui a 38 ans et est né en Russie, a été présenté à Aggarwal par Peter Sztyk – le mari de Jardemalie, la confidente d’Ablyazov, à l’époque. Sztyk n’a pas répondu à une demande de commentaires. La même source suggère également que les fonds de Beron ont été acheminés vers une société appartenant à Jardemalie.

Une partie des 500 millions contentieux de dollars fait également l’objet d’une procédure aux États-Unis, où Khrapunov et d’autres sont accusés d’avoir blanchi des dizaines de millions de dollars entre 2012 et 2014 grâce à des investissements dans l’immobilier et plusieurs sociétés, notamment un ancien centre pour personnes handicapées à Syracuse, une entreprise de kiosques de santé, un projet de réaménagement d’hôtel, un centre commercial dans l’Ohio et trois appartements de la Trump Organisation à Soho.

Khrapunov a expliqué à BuzzFeed News dans un e-mail que ces accusations de blanchiment d’argent étaient sans fondement. Il a affirmé que les témoins de BTA n’étaient pas crédibles et qu’il avait lancé une contre-procédure. Il a évoqué des affaires contre sa famille aux États-Unis et en Suisse, toutes rejetées.

Matthew L. Schwartz, associé de Boies Schiller Flexner LLP et avocat de BTA Bank et de la ville d’Almaty, a déclaré : « BTA Bank et la ville d’Almaty se sont engagées à tenir pour responsables les personnes chargées de blanchir les milliards de dollars qui leur ont été volés – avant tout, l’ancien président de BTA, Mukhtar Ablyazov ». Il a ajouté que le procès contre Ablyazov et Khrapunov approchait à grands pas aux États-Unis. « Nous sommes impatients de présenter nos preuves à un jury de New-Yorkais », a précisé M. Schwartz.

Roh a déclaré que ni lui ni son cabinet d’avocats n’avaient été impliqués dans les transactions et les investissements américains de Khrapunov.

Mifsud (le plus à gauche) a participé au même séminaire d’octobre 2017 à Moscou sur la guerre au Yémen que Roh.

RIAC / Via Flickr: russiancouncil

Mifsud, qui aura 60 ans cette année, reste l’un des personnages les plus mystérieux de l’enquête menée par l’ancien conseiller spécial Mueller sur l’ingérence russe dans les élections américaines.

En novembre dernier, près de deux ans jour pour jour après sa dernière apparition en public, trois agences de presse italiennes ont reçu un enregistrement audio provenant d’une personne se présentant comme Mifsud. La voix dans l’enregistrement niait catégoriquement tout méfait ou lien avec les services de renseignement. « J’ai été un réseauteur toute ma vie. C’est ce à quoi je suis doué. J’essaie de mettre un groupe en contact avec un autre », expliquait l’homme, ajoutant qu’aucun de ses contacts n’était avec des « services secrets » ou des « services de renseignements ». L’analyse du site de journalisme d’investigation Bellingcat indique que la voix dans l’enregistrement est bien celle de Mifsud. Roh, quant à lui, affirme que ce n’est pas le cas et que la bande est fausse. Rien n’indique cependant que la disparition de Mifsud soit liée à l’une des parties de cette histoire, ni que quelqu’un lui ait fait du mal.

Rien n’indique que Mifsud ait été impliqué dans les affaires d’Ablyazov, avec ou sans Roh, ou qu’il en ait eu connaissance. Il a cependant ses propres liens avec le Kazakhstan.

En 2015, il était l’un des 858 observateurs internationaux accrédités pour surveiller l’élection présidentielle de ce pays d’Asie centrale. Un porte-parole de l’ambassade du Kazakhstan à Londres a déclaré à BuzzFeed News : « Mifsud a été invité en tant qu’observateur électoral en raison de ses qualifications universitaires de haut niveau, qui correspondait à notre intention d’avoir des observateurs provenant d’une grande variété de domaines universitaires et professionnels ». Mifsud n’a pas été payé, a ajouté le porte-parole.

Mifsud avait alors déclaré que l’élection, que Nazarbayev a remportée avec 97,7% des voix, a satisfait à toutes les normes de démocratie de l’Union européenne.

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