La Génération Z utilise les réseaux sociaux pour se créer de nouvelles sociabilités. Certaines plateformes, comme Yubo, tirent leur épingle du jeu.

Les nouvelles sociabilités virtuelles de la Génération Z

Numérique

Nés après 1995, les jeunes de la Génération Z sont, sans doute, les plus acculturés aux usages numériques. Cette relation intime entretenue avec les technologies est un vecteur de nouvelles sociabilités et explique l’explosion de certaines plateformes sociales, comme la Française Yubo ou la Chinoise TikTok, dont le succès croissant auprès des jeunes s’affirme mois après mois. Inversement, d’autres réseaux sociaux, qui peinent encore à percevoir les spécificités de cette nouvelle génération, sont de moins en moins prisés par les adolescents et jeunes adultes qui la composent.

Pour la Génération Z, les plateformes historiques ne font plus recette

Pour la Génération Z, les réseaux sociaux historiques semblent déjà dépassés. Et c’est le géant Facebook qui fait le plus les frais de ces évolutions générationnelles. En 2019, en France, selon les chiffres fournis par eMarketer, le nombre de 12 – 17 ans inscrits sur Facebook serait en baisse de 9,3 %. Mais, si la perte du nombre de jeunes utilisateurs est largement compensée par les gains dans d’autres tranches d’âge, Facebook semble avoir du mal à (re)conquérir le marché stratégique des adolescents français. Une tendance similaire se dessine aux États-Unis. Aujourd’hui, selon une enquête réalisée par le Pew Research Center, seuls 51 % des 13-17 ans américains fréquentent encore le réseau social.

La plateforme subit en effet les retombées d’une image publique écornée par les scandales à répétition. L’épisode Cambridge Analytica a entraîné le départ massif des 12 – 17 ans de la plateforme, notamment aux États-Unis. Les inquiétudes des jeunes face au respect de leurs données personnelles témoignent en effet d’un attachement puissant de la Génération Z à l’éthique et à la transparence. Des sujets sur lesquels Facebook a encore beaucoup de mal à convaincre, malgré les efforts indéniables mis en œuvre par la plateforme l’année passée. En effet, si les adolescents sont fortement acculturés aux réseaux sociaux, ils en reconnaissent aussi les dérives. Selon le cabinet OC&C Strategy, la moitié d’entre eux s’inquiète de l’impact des plateformes sociales sur la société dans son ensemble et deux sur cinq de leurs effets potentiels sur leur santé.

Et surtout, comme son public, Facebook vieillit et ne semble pas en capacité de répondre aux nouvelles aspirations de la Génération Z. C’est pourquoi la plateforme mise beaucoup sur sa filiale Instagram, qui s’inspire d’ailleurs très largement des nouvelles fonctionnalités proposées par l’un de ses principaux rivaux auprès des jeunes, Snapchat. Mais, même pour Snapchat, la popularité auprès des adolescents décroît. De l’aveu même de son fondateur et CEO, Evan Spiegel, qui affirme que TikTok pourrait devenir, à moyen terme, plus populaire que Snapchat.

Vidéo, instantanéité et sociabilités virtuelles : l’ultra connexion de la Génération Z

La perte de vitesse des plateformes traditionnelles traduit aussi une transformation structurelle du marché des réseaux sociaux, marquée par l’arrivée de nouveaux acteurs qui ont fait de la vidéo et de l’instantanéité des échanges le cœur de leur offre. La vidéo, l’immédiateté des interactions ou encore la quête de nouvelles amitiés transfrontalières restent relativement étrangères aux réseaux sociaux historiques. Les acteurs traditionnels tentent d’ailleurs de prendre le train en marche. Facebook a lancé Facebook Live, qui permet des échanges en direct. Instagram propose aussi un service de vidéo en live. Twitter n’est pas en reste non plus. Mais, ces fonctionnalités ne sont pas le centre du service de ces plateformes et ne rencontrent pas le succès espéré.

Selon une étude, les jeunes de la Génération Z seraient en effet des consommateurs très assidus du format vidéo, dont la consommation quotidienne s’élèverait à 3h25. Là où elle se limitait à « seulement » 2h30 pour les millennials. Et, là encore, les acteurs historiques font les frais de ces nouvelles pratiques. L’audience de la télévision par câble est par exemple en baisse constante auprès des jeunes générations. Une tendance qui, inversement, explique le succès de Netflix ou de YouTube qui, à eux seuls, cumulent 70 % du temps passé par les adolescents à regarder des vidéos. Une réussite liée à la diversification et l’hétérogénéité du contenu proposé.

Le format vidéo et l’instantanéité des échanges sont au cœur de l’ADN de la jeune plateforme sociale française, Yubo, qui rassemble, en cinq ans d’existence, plus de 25 millions d’inscrits dans le monde. Une stratégie qui explique son succès, selon son CEO et co-fondateur, Sacha Lazimi. « La génération actuelle aspire à sociabiliser autant dans le monde physique que dans l’espace digital. Et surtout, la Génération Z est fondamentalement globalisée et cherche à outrepasser les frontières physiques, culturelles ou linguistiques. Seul le canal digital lui offre cette possibilité » analyse Sacha Lazimi pour la Revue des Transitions. Sans frontière, la Génération Z ? C’est en tout cas ce qu’affirme l’étude de OC&C Strategy, selon laquelle « les représentants de la Génération Z à travers le monde ont plus de similitudes entre eux que toutes les générations qui les ont précédés ».

Et surtout, la Génération Z est celle de l’instantanéité et du temps présent. « Ils (les jeunes de la Génération Z) ont un rapport très différent au temps. Pour eux, l’immédiateté doit être au cœur de leur vie quotidienne. Ils privilégieront toujours l’échange direct aux échanges a posteriori qui demeurent le mot d’ordre sur la quasi-totalité des plateformes sociales » poursuit Sacha Lazimi. Loin d’être un facteur déstructurant, le canal virtuel tend au contraire à renforcer la sociabilisation de la Génération Z. « On a l’impression qu’ils ont le nez plongé sur leur téléphone, dans les réseaux sociaux. Et cet aspect virtuel peut faire peur. Or, ils sont justement en quête de sociabilisation », explique Mathilde Le Coz, coauteur de l’étude La Génération Z et le Future of work. Le canal smartphone est en effet de plus en plus privilégié par les adolescents et ce, de plus en plus jeune. C’est en tout cas une des conclusions de l’étude Yubo sur la Génération Z, publiée le 6 février, qui affirme que « 70 % des sondés a eu son premier téléphone à 12 ans ou moins ». Et, là encore, la quête de nouvelles sociabilités est au cœur de l’utilisation du téléphone, utilisée « pour rencontrer des gens » et « élargir son réseau social » par 73 % des adolescents interrogés.

Non, la Génération Z n’est pas celle du like

C’était l’acte fondateur des réseaux sociaux. Mais, le like, le partage ou encore le retweet génèrent de la défiance au sein de la Génération Z. Système de valeur et de hiérarchisation artificiel pour une génération qui place l’égalité sociale au cœur de ses idéaux, le like pourrait bientôt disparaître d’une grande majorité des plateformes. C’est déjà le cas pour Yubo, qui ne propose aucun système de like sur son application. « Aller à rebours de la grande majorité des plateformes sociales était un pari osé. Pourtant, il nous semblait nécessaire de proposer autre chose à nos utilisateurs et d’essayer, à notre petite échelle, de les libérer d’une forme de pression sociale virtuelle aux impacts potentiellement dévastateurs » affirme Sacha Lazimi.

Plaiz, qui aspire à rassembler les fanatiques de mode, a choisi d’afficher en privé le nombre de likes d’un contenu. « Pour qu’ils (les utilisateurs) puissent tous s’exprimer de manière authentique, être la version la plus stylée d’eux-mêmes et sortir de leur zone de confort, le nombre de like est privé et on ne sait pas qui like nos photos » explique Boukar Sall, cofondateur et CEO de Plaiz. Tendance de fond, le géant Instagram teste aussi une version sans like de son application.

Non, la Génération Z n’est pas moins sociable que les précédentes. Le monde virtuel n’est pas, pour elle, un refuge contre la réalité, mais, bien au contraire, un espace où se déploient de nouvelles formes de sociabilités transfrontalières. Une spécificité générationnelle que certaines plateformes semblent avoir bien perçue.

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