Afrique : des transitions ambigües…

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Afroptimistes qui voient dans l’Afrique « the next China » contre afro-pessimistes jugeant l’avenir du continent « sans espoir » vivent de leur querelle de chapelles stérile et déconnectée de l’état réel d’un ensemble aux situations trop diverses pour être labellisé : les pays d’Afrique sub-saharienne (dont on exclut les États insulaires) partagent certes quelques caractéristiques, mais surtout un nombre trop important de singularités pour permettre ce genre de généralisation.

La complexité revenant à la mode, il convient désormais de distinguer au moins six catégories en termes de développement (un pays pouvant appartenir concomitamment à plusieurs d’entre elles) :

  • Les bons élèves du continent, à savoir les pays émergents que sont le Botswana, le Rwanda, le Ghana, ou l’Éthiopie (tous anglophones, incidemment, le Rwanda étant désormais lui aussi dirigé par une élite anglophone, et ce n’est pas la nomination de Louise Mushikiwado à la tête de l’Organisation Internationale de la Francophonie qui changera la donne)
  • Les États outrageusement pétroliers (Gabon, Guinée Équatoriale, Congo Brazza, Nigeria, Angola), qui ont vécu d’une rente ni répartie ni réinvestie, et que la baisse des cours du baril a d’autant plus affectés qu’il n’y avait eu aucune diversification de l’économie en amont (jusqu’à une atrophie du secteur agricole).
  • La bande sahélienne source de grande inquiétude, dont la situation de fragilité est accrue par sa démographie et par le réchauffement climatique, avec comme corolaire un pseudo-terrorisme opportuniste s’apparentant plus à un brigandage meurtrier.
  • Deux géants avec déjà un pied dans le chaos, mais pour des raisons différentes, et pouvant partiellement y entrainer leurs voisins, le Nigeria et la RDC.
  • Les failed states (Rotberg, R. (2011). Failed States, Collapsed States, and Weak States: Causes and Indicators.) : Somalie, Centrafrique, Sud Soudan.
  • Le ventre mou, c’est-à-dire tous les autres, qui vivotent en attendant soit l’explosion soit le miracle ; de plus en plus urbains, de plus en plus peuplés, ils sont les grands pourvoyeurs de migrants, leur avenir incertain dépendra des décisions prises (ou pas) et appliquées (ou pas) par leurs dirigeants, financés par une communauté internationale (UN, UE, FMI, BM) aussi attentiste que démunie.

Pour ce qui concerne les usages démocratiques, là encore il y a les bons élèves comme le Sénégal, le Bénin ou le Botswana, il y a les cancres (les Sassou, Bongo, Obiang, Eyadema, Kabila, Afewerki etc), et il y a le ventre mou des démocratures (mal) installées. Encore une fois, les cancres sont surtout francophones. Ils obnubilent les diplomates et journalistes français, occultant ainsi une (r)évolution silencieuse en cours concomitamment dans cinq pays, ce qui constitue la plus grande vague de bouleversements sur le continent depuis la fin de la guerre froide (l’année 1994 en particulier, avec la fin de l’apartheid, le discours de la Baule, la dévaluation du CFA et le génocide rwandais).

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Diplômé de Science Po Aix (relations internationales), de la Sorbonne (études africaines) et de la London School of Economics (Conflict Studies), Benoit Barral a successivement travaillé en Afrique subsaharienne dans trois secteurs : la diplomatie (au ministère des Affaires étrangères et en ambassade), le journalisme (reportages et documentaires) et enfin le conseil (intelligence économique et développement international, depuis la Suisse, l’Ouganda et dorénavant Paris).

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