Inès Leonarduzzi est la fondatrice et présidente de Digital For The Planet et conférencière en France et à l’étranger, essentiellement sur les sujets de la disparité de l’émancipation des femmes, du leadership à l’ère du digital et de la Global Sustainability. Elle a fondé en 2016 WIT Intitatives, une communauté de femmes décideures et entrepreneures à Paris et Barcelone qui lance des initiatives auprès des femmes en Afrique du Nord.
Comment définiriez vous la « global sustainability » ?
La global sustainability, telle qu’elle est entendue aujourd’hui, couvre l’écologie à la fois environnementale et humaine. La seconde, qu’on omet souvent, traite les différentes questions liées à l’allocation des ressources matérielles et immatérielles aux femmes et aux homme. C’est d’ailleurs de cette manière qu’est défini le développement durable à Rio de Janeiro, les 3 et 4 juin 1992 lors du sommet de l’ONU.
Aussi, il a souvent été question de compartimenter l’écologie et le développement durable. Il y a d’un coté le sujet de l’industrie agroalimentaire, de la mobilité et des gaz, le tri et le recyclage des déchets, etc…
Ce qui m’emmène au troisième pilier de la notion d’écologie globale, c’est l’élitisme dont souffre l’écologie. En tant que dirigeante de l’ONG Digital For The Planet, une initiative mondiale visant à prévenir et réduire la pollution numérique, j’ai pu me rendre compte que l’écologie est un domaine essentiellement tourné vers nos élites, c’est-à-dire les personnes aisées et/ou éduquées.
Il y a un enjeu à l’éducation et à l’activation d’engagement qu’on ne sait pas encore déployer de manière globale.
Quelle place la transition digitale y joue-t-elle ?
La transition digitale a cela pour elle de concerner tout le monde. Des ghettos au Bénin aux bidonvilles de Mumbai, des centres villes comme à Bordeaux et Lyon, en passant par les sièges des plus grandes entreprises mondiales jusqu’aux TPE et PME artisanales. Il faut prendre conscience que dans la rue, dans les restaurants, dans les transports en commun, 98% des gens ont un smartphone dans la poche.
Le digital émet aujourd’hui autant de CO2 que toute l’industrie aéronautique mondiale. Ce chiffre grandissant dû, entre autres, à la démultiplication des appareils connectés fait de la pollution numérique le prochain enjeu écologique majeur.<
En recrutant mon équipe, essentiellement issue du monde du digital et pas foncièrement écologiste, j’ai pu observer des changements de comportements importants dans le quotidien. En ce qui me concerne, mon engagement écologique s’est exacerbé depuis que je dirige l’initiative.
L’écologie est un domaine difficile d’accès mais qui a la spécificité de passionner quand on la comprend. C’est d’ailleurs pour cette raison que les écologistes ont souvent cette image sulfureuse de personnes ultra-engagées.
La pollution numérique est différente des autres pollutions en cela qu’elle n’a pas de « coupable » unique et identifié, comme l’industrie pétrolière ou agroalimentaire. Ici, le responsable est l’usage commun, nous sommes tous concernés. De fait, l’écologie digitale devient une porte d’entrée à la démocratisation du sujet et un levier d’engagement significatif. C’est énorme. En d’autres termes, l’écologie digitale pourrait permettre de sensibiliser beaucoup plus de monde et de créer de l’engagement sur d’autres sujets relatifs à l’écologie.
Les plus gros foyers de pollution numérique se trouvent dans les entreprises, au niveau des sièges sociaux. La question est de savoir comment l’entreprise peut jouer un rôle sociétal dans l’engagement des citoyens sur l’écologie digitale, et par relation de cause à effet, à l’écologie globale.
Dans ce contexte, quels sont les chantiers prioritaires à vos yeux ?
Redéfinir les canaux de communication, c’est à dire la façon dont nous diffusons les messages mais aussi le contenu des messages. Il faut redéfinir aussi la dynamique de la relation entre les interlocuteurs : les citoyens ne sont plus nécessairement ce qu’il faut instruire. À l’heure où l’on parle beaucoup d’intelligence collective sans vraiment savoir de quoi l’on parle, il est peut être temps de mettre ce concept en action. Nous organisons des forums où les citoyens prennent la parole, travaillons un débat citoyen national avec un cabinet de conseil à Paris.
Il serait peut-être intéressant pour ne pas dire urgent de redessiner les institutions et autorités environnementales, notamment en France, dont les ordres du jours et actions sont souvent opaques et difficiles d’accès. Ces organes consomment beaucoup d’argent public et le citoyen se demande de plus en plus où est la légitimité et l’efficacité de ces organisations.