Alors que le climat s’emballe, les forêts sont les premières victimes des conséquences de ce dérèglement : sécheresse, incendies, attaques de ravageurs, etc. Si les propriétaires forestiers et professionnels de la filière bois-forêt agissent tant en amont qu’en aval des crises, leurs moyens d’action sont déterminés par leur marge de manœuvre financière.
De l’eau, des denrées alimentaires non périssables, une lampe torche, une trousse de secours, quelques vêtements… : voici les effets à placer dans le sac d’urgence que tout Français devrait, selon la Croix-Rouge, préparer en cas d’urgence. Un « catakit » dont l’ONG recommande l’acquisition en cas d’évacuation liée aux évènements climatiques extrêmes, ceux-ci étant appelés à se multiplier au fur et à mesure que le climat se dérègle. Inclus dans une liste de dix recommandations récemment présentées par la Croix-Rouge pour faire face à « l’inévitable », ce conseil témoigne de la manière dont le changement climatique impacte, d’ores et déjà, nos vies quotidiennes et nos espaces.
Les forêts, sentinelles du réchauffement climatique
À commencer par les forêts françaises, sans doute les meilleures sentinelles du réchauffement du climat. Aux quatre coins de l’Hexagone, les forêts sont depuis plusieurs années en première ligne face aux épisodes de sécheresse, incendies et autres attaques de ravageurs : « Le taux de plants morts sur l’ensemble des 1296 plantations notées est de 15 % en 2023, légèrement au-dessus de la moyenne 2007-2023, qui est de 13 %, et comparable aux « mauvaises années » relève le département de santé des forêts dans sa note d’avril 2024. Ainsi de la forêt de Chantilly, près de Paris, qui est « bien sûr impactée par le réchauffement », explique Paul-Emmanuel Huet, directeur de PEFC France, « mais l’effet de ce dernier est amplifié par la sécheresse ». Si rien n’est fait pour la protéger et l’adapter à la nouvelle donne climatique, la forêt de l’Oise se dirigerait vers une « dégradation inéluctable ».
Dans la Haute-Marne aussi, les forêts subissent les effets de cette « tempête silencieuse », selon l’expression du chargé de mission à l’ONF Jean-Claude Tissaux. Après plusieurs années de sécheresse et de chaleur exceptionnelles, 40 % de la forêt du département subirait un dépérissement précoce. La forêt domaniale du Corgebin n’y fait pas exception, où les arbres, affaiblis par le manque d’eau, succombent par dizaines aux attaques des scolytes, ces insectes ravageurs qui détruisent les plantations d’épicéas. Pour soutenir les propriétaires forestiers et les professionnels de la filière bois-forêt, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, vient d’ailleurs de présenter un plan « scolytes et bois de crise » destiné à mieux lutter contre le phénomène.
Les conséquences financières du réchauffement en forêt
Car l’impact du changement climatique sur nos forêts va bien au-delà de seules considérations paysagères. Le dérèglement est si brutal, et si rapide, qu’il impose en premier lieu aux forestiers eux-mêmes d’adapter leurs pratiques. Dans l’Aveyron par exemple, des patrouilles « citoyennes » se joignent aux pompiers et forestiers afin d’anticiper tout départ de feu : en amont des incendies, « la détection est primordiale », d’après la préfecture du département, de même que les efforts de sensibilisation des particuliers en matière de débroussaillement ; et, en aval, c’est tout le savoir-faire des forestiers qui est mobilisé, afin de replanter des essences mieux adaptées ou de valoriser le bois brûlé.
Enfin, ces bouleversements ne sont pas sans conséquence financière sur les propriétaires forestiers et les professionnels du secteur, un point essentiel, mais souvent oublié. « Les propriétaires et gestionnaires forestiers, les acteurs de la filière bois et la société dans son ensemble sont tous susceptibles d’être affectés par les impacts du changement climatique sur les écosystèmes forestiers », rappelait Franck Lecocq dans son Évaluation économique des impacts du changement climatique pour la forêt et le secteur bois en France. Ainsi, « les chocs climatiques brutaux (incendies, tempêtes, insectes ravageurs) se traduisent par une perte de revenu pour les propriétaires forestiers, sous l’effet combiné de la destruction de tout ou partie des peuplements, de la perte de valeur d’avenir des arbres sauvegardés (…), du surcoût engendré par l’obligation de reconstituer le peuplement de manière anticipée, (et) des pertes liées au déstockage massif de carbone ».
Les forestiers dans l’impasse ?
À côté des forêts décimées par la sécheresse ou les incendies, les difficultés financières des propriétaires forestiers affectés par les effets du réchauffement climatique peuvent sembler secondaires. Il s’agit pourtant d’une question centrale, car, faute d’aides et de financements suffisants, les forestiers et acteurs de la filière n’auront plus les moyens de protéger, d’entretenir et de renouveler les forêts, ni de contribuer à ce que la France atteigne ses objectifs en termes de renouvellement forestier ou de décarbonation. Un véritable cercle vicieux.