La loi immigration durcit les règles de régularisation.

Loi immigration : l’économie française en danger ?

Economie Société Travail Une

La commission mixte paritaire a adopté mardi le projet de loi immigration, qui inclut un dispositif de régularisation au cas par cas des travailleurs sans-papiers. Ce durcissement des mesures de régularisation inquiète le patronat parce qu’il pourrait accentuer la pénurie de main d’œuvre.

Les députés et sénateurs, réunis en commission mixte paritaire (CMP), ont adopté mardi le projet de loi immigration. Ce texte inclut un dispositif de régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension (BTP, restauration, industrie, profession de santé…). Il s’avère plus restrictif que ce que prévoyait le gouvernement.

12 mois de travail dans un métier en tension pour obtenir un titre de séjour

Si l’exécutif affirme avoir déjoué les plans du Rassemblement national (RN), celui-ci parle d’une victoire idéologique. Le parti de Marine Le Pen voyait dans le texte initial un risque de régularisations massives et un appel d’air à l’immigration. Finalement, le projet de loi se veut plus restrictif. Il introduit un titre de séjour spécifique pour les travailleurs sans-papiers. Pour l’obtenir, ceux-ci devront avoir travaillé pendant 12 mois dans un métier en tension au cours des 24 derniers mois. Le gouvernement souhaitait une durée de 8 mois.

Aussi n’avoir aucun casier judiciaire et partager les valeurs républicaines

Il faudra également résider en France pendant au moins trois ans et n’avoir fait l’objet d’aucune condamnation ou déchéance inscrite au casier judiciaire. Par ailleurs, la procédure sera strictement encadrée et il sera demandé au travailleur de respecter les valeurs de la République. En outre, il reviendra aux préfets d’étudier les situations au cas par cas afin d’accorder ou non les titres de séjour. Le dispositif s’appliquera jusqu’à fin 2026.

Ce projet de loi immigration, une honte totale pour la France

Les syndicats de salariés, qui critiquent depuis plusieurs mois le projet de loi immigration, ont exprimé leur dépit à l’annonce de son adoption. Marylise Léon, la secrétaire générale de la CFDT, pense que ce texte « fait honte à notre pays ». Il remettrait « profondément en cause les droits fondamentaux et la dignité des personnes ». Même réaction du côté de la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, qui emploie le même terme de « honte ».

La France aura besoin de près de 4 millions de salariés étrangers d’ici à 2050

Resté jusqu’alors loin de ce débat politique, le patronat sort aussi de son silence. Sur Radio Classique, le président du Medef, Patrick Martin, a mis en garde contre les conséquences économiques du dispositif sur les régularisations. Il a rappelé que la France aura besoin de près de 4 millions de salariés étrangers d’ici à 2050, sauf à réinventer son modèle social et économique. Le pays doit par exemple pourvoir 800 000 postes au niveau de l’aide à domicile d’ici à 2030. Le chef d’entreprise se demande donc si la France fera le choix de la main-d’œuvre étrangère ou si elle renoncera à une certaine forme d’aide à la personne.

Compenser la fuite des talents français vers les Etats Unis

Patrick Martin a également évoqué le cas des étudiants étrangers, à qui le projet de loi impose de nouvelles conditions (dépôt d’une caution, majoration des frais de scolarité, contrôle de leur assiduité, etc.). Le patron du Medef ne voit pas ce durcissement d’un bon œil car les étrangers représentent 38 % des doctorants et 16 % des élèves ingénieurs. La France a besoin de l’expertise de ces étudiants, en particulier dans la tech et le numérique, face à l’exode des jeunes diplômés français aux États-Unis. Cette fuite des talents pénalise l’Hexagone en termes de compétitivité.

Pas question de prôner une main-d’œuvre bon marché

Patrick Martin relève aussi que les Français ne veulent plus de métiers comme ceux de l’aide à domicile et de l’hôtellerie à cause des salaires qu’ils jugent bas. L’entrepreneur se défend toutefois de prôner une immigration économique pour profiter d’une main-d’œuvre bon marché. « Ce ne sont pas les patrons qui demandent massivement de l’immigration, c’est l’économie », explique-t-il. Le représentant du Medef souhaite un adoucissement de la politique d’immigration d’autant que la population en âge de travailler (de 18 à 64 ans) devrait baisser de près de 8% d’ici à 2050, tandis que la population totale restera stable.

Etre pragmatique, au risque de rétropédaler comme l’Italie

Patrick Martin prévient que le revenu produit par habitant va chuter et provoquer une baisse du pouvoir d’achat s’il n’y a pas d’immigration pour compenser. Aussi, il pourrait se produire un déséquilibre des systèmes sociaux comme la Sécu ou les retraites. Selon le dirigeant, il ne faudrait pas trop focaliser le débat sur la question des travailleurs sans papiers, qui seraient moins de 10 000 en France. Sinon, la France rétropédalerait comme l’Italie. En effet, après avoir ciblé les migrants pendant sa campagne électorale, Giorgia Meloni souhaite maintenant faire entrer 452 000 travailleurs étrangers dans son pays d’ici à 2025. La première ministre italienne a été tout simplement rattrapée par la réalité.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *