Changement climatique et mortalité des arbres, la gestion forestière comme réponse

Environnement Une

Avéré, le dépérissement des forêts est l’occasion de rappeler la nécessité de la gestion forestière. Et si l’opinion publique fait souvent l’amalgame entre gestion forestière et mortalité des arbres, une récente étude rappelle que la mortalité des arbres sévit au moins autant dans les peuplements forestiers non gérés.

« Les effets concrets du changement climatique sur les forêts et leur croissance » : dévoilés le 12 octobre, les résultats de la dernière édition de l’inventaire forestier national sont, comme on pouvait s’y attendre, sont inquiétants. Établi par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), le document fait état de plusieurs phénomènes qui, pour être moins spectaculaires que les incendies ou les tempêtes, n’en menacent pas moins la forêt à long terme. Le premier de ces phénomènes est le dépérissement croissant des arbres – un peuplement étant considéré comme dépérissant quand 20 % des arbres ayant accès à la lumière sont morts depuis moins de cinq ans. D’après l’IGN, près de 670 000 hectares seraient dépérissants dans l’Hexagone, soit l’équivalent de 4,1 % des forêts françaises.

Les arbres « K.O. »

 Lié au premier, le deuxième phénomène relevé par l’IGN est la hausse de la mortalité des arbres. Celle-ci aurait ainsi augmenté de +80 % en une décennie seulement, pour atteindre en moyenne 7,4 millions de mètres cubes de bois mort par an. En cause, la prolifération des insectes, des champignons et des bactéries qui s’attaquent à des arbres déjà fragilisés par les sécheresses et les canicules. « C’est comme dans un match de boxe », explique au Monde Stéphanie Wurpillot, responsable du service de l’information statistique forestière et environnementale à l’IGN : « tous les ans, les arbres prennent un bon coup de poing dans la figure. Il y a un moment où l’on arrive au K.O. ».

Un « knock-out » que certains attribuent, aussi, à la main de l’homme. C’est pourtant tout le contraire : non seulement les « coupes sanitaires » pratiquées par les forestiers ne nuisent pas à la forêt mais, en éliminant les sujets vieux, morts ou malades, le fait de couper des arbres permet, tout en valorisant le bois et en stockant le carbone, aux arbres les plus sains de survivre et de se développer.

Loin de s’apparenter à une industrialisation de la forêt, la gestion forestière est donc inséparable d’une vision holistique et intrinsèquement durable de celle-ci. Singulièrement à l’heure où de nouvelles essences, mieux adaptées au nouveau climat, doivent être sélectionnées et plantées par les forestiers afin de renouveler les parcelles sinistrées. En d’autres termes, la gestion humaine de la forêt est absolument indispensable pour panser ses plaies, pour parer à l’urgence, comme pour rendre les massifs plus résilients sur le long terme – mais aussi pour atteindre les objectifs de neutralité carbone.

Une nouvelle étude tord le cou aux idées reçues

 Dans une époque où il est de bon ton de critiquer le solutionnisme technologique, laisser la nature faire son œuvre est tentant – mais est-ce efficace ? Une récente étude, parue dans la revue Forest Ecology and Management, tend à démonter certaines idées reçues. En analysant la mortalité des arbres basée sur la concurrence et la perte de volume du bois dans les peuplements forestiers non gérés, ses auteurs soulignent que cette perte de volume se voit aussi dans les forêts où l’Homme n’intervient pas. Dans les peuplements monospécifiques européens, la mortalité naturelle des arbres entraîne en effet une perte de volume de l’ordre de 30 % à 40 % jusqu’à l’âge de 100-150 ans (soit une perte de biomasse de 0,8 à 2,1 tonnes par hectare). Et, dans les jeunes peuplements, le taux de mortalité annuel s’élève à 0,05-0,20 an-1 : autrement dit, un à deux arbres sur dix meurent chaque année, « naturellement », du seul fait de la concurrence des autres arbres.

L’étude vient également tordre le cou à certains préjugés en ce qui concerne la captation du carbone. « Sans aucun doute », précisent ses auteurs, « il existe de nombreux arguments en faveur du maintien de peuplements à des stades de développement avancés dans le portefeuille forestier (habitats, biodiversité, loisirs, esthétique du paysage, approvisionnement en graines pour la régénération). Cependant, la contribution de ces peuplements matures à la séquestration continue du carbone diminue continuellement avec l’âge ». Contrairement à une idée répandue, les vieux arbres ne sont donc pas d’inépuisables puits de carbone. « En comparaison », observent les scientifiques, « les jeunes peuplements contribuent beaucoup plus à l’accumulation de carbone que les peuplements plus âgés ».

Valoriser la captation carbone

 Car le carbone séquestré dans le bois mort est relâché quand celui-ci tombe au sol et s’y dégrade : « si la chute naturelle dans les peuplements non gérés reste inexploitée, elle est transférée du pool des arbres vivants au pool des débris », observent-ils. Au contraire, « une grande partie du bois produit au cours d’une rotation dans le cadre d’une gestion forestière traditionnelle est utilisée pour des produits à durée de vie relativement longue, tels que le bois scié ou les produits à base de bois, dont la durée de vie moyenne est respectivement supérieure à 30 ou 20 ans ». Même en tenant compte du bois de chauffage, « la durée de vie moyenne d’une unité de bois récolté devrait généralement dépasser la durée de vie d’une unité de bois mort », concluent les experts. Essentielle à la résilience des forêts, la gestion forestière l’est donc, aussi, pour la valorisation de la captation carbone.

 

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