De nombreux fabricants de voitures recherchent des alternatives aux carburants actuels en se tournant vers les électrocarburants. L’industrie automobile explore ces carburants synthétiques qui seraient produits à partir de sources non fossiles. Quels sont les avantages potentiels de ces e-carburants, comment sont-ils fabriqués et quelle est leur valeur réelle ?
Certains constructeurs automobiles croient en l’utilisation des électrocarburants, produits à partir de CO2 et d’hydrogène, pour remplacer partiellement l’essence dans les réservoirs de leurs véhicules. Cependant, ces carburants sont encore rares, énergivores, polluants et coûteux à produire, et ils seraient principalement utilisés dans d’autres secteurs tels que l’aviation, selon les experts.
Quel est le processus de fabrication des « e-fuels » ?
Ces carburants de synthèse, également appelés « e-fuels », sont principalement fabriqués en combinant de l’hydrogène et du CO2. Pour que ce processus soit neutre sur le plan climatique, il est essentiel que l’hydrogène soit produit à partir d’une source d’électricité décarbonée, tandis que le dioxyde de carbone peut être capturé dans l’air, les émissions industrielles ou provenir de la biomasse. Les e-fuels possèdent les mêmes propriétés que l’essence ou le diesel et peuvent être utilisés purs ou mélangés au pétrole sans nécessiter de modifications du moteur. Ces électrocarburants jouent un rôle essentiel pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des différents modes de transport et sont complémentaires aux biocarburants produits à partir de résidus agricoles, de déchets ou d’huiles usagées.
Le premier procédé permettant la production de carburants de synthèse a été développé dans les années 1920 par deux chimistes allemands, Franz Fischer et Hans Tropsch. L’Allemagne nazie avait largement utilisé cette technologie pour pallier les pénuries de pétrole, en développant une filière de production à partir du charbon.
Intérêt de l’industrie automobile pour les e-fuels
Tout en s’engageant pleinement dans la transition vers les véhicules électriques, de nombreux constructeurs automobiles envisagent également l’avenir des e-fuels. Par exemple, Porsche a investi dans une usine pilote dans le sud du Chili, exploitant les puissants vents de la région pour produire de l’électricité décarbonée. L’usine de Haru Oni, inaugurée à la fin de l’année 2022, prévoit de produire à court terme une petite quantité de carburant (130 000 litres par an) qui sera utilisée lors de courses automobiles et de démonstrations par Porsche.
BMW et Volkswagen, propriétaire de Porsche et d’Audi qui s’intéresse également aux e-fuels, ont récemment défendu l’utilisation de ces carburants synthétiques, affirmant qu’ils peuvent être utilisés dans un grand nombre de véhicules existants, ainsi que dans des segments de niche, selon Oliver Blume, le PDG de Volkswagen.
Le gouvernement allemand freine ainsi la transition de l’industrie automobile européenne vers l’électrification complète en demandant une autorisation pour l’utilisation des carburants de synthèse. La société californienne Prometheus, soutenue par BMW ainsi que par le transporteur maritime Maersk, promet de produire un carburant selon une technologie différente, qui ne nécessite pas de pression ou de température particulières, et serait donc moins énergivore et moins coûteux, selon ses dires.
Ferrari explore également cette voie en collaboration avec son partenaire pétrolier Shell dans le domaine de la Formule 1. Renault et Stellantis s’intéressent également aux e-fuels, notamment en partenariat avec le géant saoudien du pétrole Aramco, qui prévoit de lancer une usine de carburants synthétiques (pour l’aviation, la marine et la route) en 2024 en Espagne, en collaboration avec le pétrolier Repsol.
Qu’en est-il de la pollution liée aux carburants synthétiques ?
Cette technologie est vivement contestée par des experts et des organisations environnementales. Son rendement énergétique est considéré comme très faible par rapport à celui de l’électricité ou de l’hydrogène. Les procédés industriels nécessaires à leur production ne sont pas encore prêts, et leur coût de production est élevé, ce qui entraînerait une disponibilité limitée de ces carburants. L’Agence française pour l’environnement (Ademe) estime que ces nouveaux carburants pourraient trouver leur place principalement dans les secteurs « très difficiles à décarboner », en particulier le transport aérien.
De plus, bien que les e-fuels soient neutres en termes d’émissions de carbone, ils émettent toujours du dioxyde d’azote (NO2) et des particules cancérigènes, selon l’ONG Transport & Environment (T&E). Selon cette organisation, les e-fuels sont considérés comme un « cheval de Troie » de l’industrie automobile pour prolonger la durée de vie des moteurs thermiques, ce qui risque de retarder les investissements dans l’électrification des véhicules. Certains députés européens, comme Karima Delli des Verts-ALE, considèrent que le recul de la Commission européenne en matière de réglementation des e-fuels est préjudiciable pour le climat, la santé des citoyens européens et la compétitivité de l’industrie automobile.
Quand pourra-t-on trouver des « e-fuels » dans nos stations-service ?
La production complexe et énergivore des e-fuels pourrait entraîner un coût à la pompe d’au moins 2,82 euros en France d’ici 2030, soit près de 50% de plus que le prix actuel de l’essence ordinaire, et ne couvrir que 2% des besoins, selon T&E. Porsche affirme de son côté qu’avec une augmentation de la production, ces carburants synthétiques pourront être vendus au même prix que l’essence à long terme. L’Ademe, quant à elle, estime qu’il existe d’autres solutions plus matures, moins coûteuses et plus énergétiquement efficaces.
Un porte-parole de Porsche a déclaré à l’AFP qu’il reste encore à déterminer quand et comment les e-fuels seront disponibles dans les stations-service, mais cela restera l’exception plutôt que la règle.