Si taxer les riches et les superprofits faisait grincer les dents, cette mesure semble désormais faire l’unanimité en cette période d’inflation. En témoigne la position du chef économiste de la Banque centrale européenne, Philip Lane, qui l’invoque pour des raisons macroéconomiques et d’équité.
Soutenir les plus démunis en augmentant les impôts
Alors que la crise énergétique affecte les populations via une inflation record, le monde de la finance commence à bouger quelques lignes. On en veut pour preuve la suggestion de Philip Lane, le chef économiste de la Banque centrale européenne (BCE). En effet, le très respecté banquier irlandais propose aux gouvernements de taxer les hauts revenus ou les superprofits d’entreprises pour financer les aides aux plus démunis.
Il explique que cette mesure doit être appliquée pour un besoin d’équité et pour des raisons macroéconomiques. Soutenir « ceux qui sont dans le besoin en augmentant les impôts » aura « moins d’effet sur l’inflation que si vous augmentez les déficits », précise Philip Lane dans une interview au quotidien autrichien Der Standard, le mardi 27 septembre.
L’Espagne montre l’exemple
Si son chef économiste prône une hausse des impôts sur les hauts revenus ou sur les industries très rentables, la BCE a elle déjà fait savoir, notamment par la voix de sa présidente Christine Lagarde, qu’elle privilégiait les aides ciblées des États. C’est ainsi qu’elle espère protéger les ménages de l’impact de l’inflation galopante.
La proposition de Philip Lane est cependant dans l’air du temps au sein de la zone euro. Le gouvernement espagnol, par exemple, a récemment annoncé qu’il souhaite instaurer un impôt temporaire et exceptionnel pour les 1% les plus riches de sa population. Objectif : financer les mesures déployées pour atténuer l’impact de la flambée des prix.
La Nupes met le sujet sur la table en France
En France, la coalition de gauche Nupes a appelé, la semaine dernière, à taxer les superprofits des grandes entreprises au chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros. Dans sa ligne de mire se trouvent notamment le groupe pétrolier TotalEnergies, le géant pharmaceutique Sanofi et l’armateur CMA CGM.
L’union politique pointe le fait que ces multinationales ont réalisé des bénéfices exceptionnels malgré la crise économique actuelle. Elle souhaite que sa proposition s’applique dès maintenant et jusqu’au 31 décembre 2025 au moins. Mais avec un barème progressif de taxation de 20%, 25% et 33%. Sa suggestion a déjà fait l’objet de discussions à Matignon. Le gouvernement se montrant profondément divisé sur la taxation des superprofits.
Antonio Guterres s’attaque aux géants pétroliers et gaziers
En dépit de ces dissensions, le ministre des Relations avec le parlement, Franck Riester a promis d’en reparler lors du débat budgétaire. Pour contenir l’inflation, la France ne mise pour l’instant que sur le bouclier tarifaire, inscrit dans le projet de loi de finances 2023. La question de la taxation des superprofits refait surface dans un contexte qui s’y prête tellement que les Nations Unies aussi s’y intéressent.
Le secrétaire général de l’organisation, Antonio Guterres a appelé la semaine dernière les pays riches à rogner sur les profits du secteur des énergies fossiles pour les redistribuer aux pays victimes du dérèglement climatique et aux populations touchées par l’inflation. Il avait auparavant dénoncé la cupidité des grandes entreprises pétrolières et gazières qui se gavent sur le dos des plus pauvres partout dans le monde.