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Élections Législatives au Kazakhstan, une étape clé dans le processus de démocratisation

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« Il y a seize ans, ici, c’était la steppe ». Cette remarque d’une native de Nursultan, au milieu des buildings du centre de la capitale, rappelle à quel point le Kazakhstan est un Etat récent.

Né dans sa forme actuelle sur les décombres de l’Union soviétique, le plus vaste pays d’Asie centrale est dirigé de 1991 à 2019 par son président, Nursultan Nazerbaïev. Ce dernier a pris la tête du Kazakhstan en 1989, alors que le pays était encore une République soviétique, en tant que premier secrétaire du Parti communiste, et a conservé le pouvoir après son indépendance en 1991.

Après trente ans au pouvoir, ce dernier annonce le 19 mars 2019 qu’il quitte la Présidence du pays. Même s’il garde un rôle important comme président du Conseil de Sécurité du pays et « père de la Nation », le fait est suffisamment rare et inattendu pour marquer les esprits.

Le président actuel, Kassym-Jomart Tokaïev, diplomate à la carrière internationale, élu en juin 2019, est l’ancien président du Sénat. Il se veut garant d’une transition par étapes vers un système de plus en plus démocratique.

Parmi les réformes prévues pour accompagner le développement de ce pays aux multiples atouts économiques, on peut citer l’évolution d’un parlement multipartite par la reconnaissance du concept d’opposition.  En parallèle de la Chambre haute du Parlement, le Sénat, se tient une chambre basse, ou Majhilis. C’est pour le renouvellement de cette dernière que les Kazakhstanais se déplaceront dans les bureaux de vote ce dimanche.

Dans ce contexte, les élections de ce 10 janvier ont une résonnance particulière. En effet, le scrutin de 2021, outre le fait qu’il a lieu après une campagne marquée par la pandémie de COVID 19, sera la première élection au scrutin proportionnel.

Si le pays compte aujourd’hui 19 partis politiques, 6 sont officiels et 5 participent aux élections au parlement du 10 janvier. Certains ont des positions idéologiques claires, d’autres représentent plutôt des catégories socio-professionnelles.

C’est pourquoi la clé de lecture gauche-droite, encore en partie utilisée en France, ne s’applique pas facilement au Majhilis. De “droite” pourrait être qualifié le parti Ak Zhol, selon un expert, puisqu’il défend les entreprises locales et un patriotisme national. Pour le parti Ak Zhol, les principales menaces qui pèsent sur le Kazakhstan sont la bureaucratie et la corruption, l’injustice sociale et l’écart grandissant entre riches et pauvres du fait d’une monopolisation de l’économie et du pouvoir.

Le Parti Populaire, héritier du Parti communiste, se définit quant à lui clairement à gauche, en visant à unir les « forces de gauche de l’opposition constructive ». Comme l’héritage communiste n’est pas particulièrement apprécié parmi l’électorat kazakh, majoritairement jeune, au lieu de miser sur la nostalgie, le parti met en avant les valeurs de fraternité et d’égalitarisme à travers un État à vocation sociale.

Adal, qui signifie “transparence” soutient les milieux d’affaires et l’entrepreneuriat. Avec sa plateforme web, le parti qui se targue de représenter plus de femmes et de jeunes que les autres, s’appuie sur des méthodes innovantes de mesure de l’opinion et de constitution de son programme.  Le choix du nom du parti s’explique par la demande de la population pour le renouveau et la justice, la lutte contre la corruption et la transparence des décisions.

Constatant le manque d’infrastructure de communication dans les territoires ruraux d’un pays de 18 millions d’habitants sur un territoire équivalent à 5 fois la France, le parti cherche à développer l’administration via le numérique.

Jusqu’à présent non représentés au parlement, ses dirigeants estiment que le seuil de 7% nécessaire à l’élection est possible à atteindre et qu’un résultat de 10 à 13% des votes devrait être atteignable.

Ahul prône quant à lui les soins médicaux gratuits et combine des mesures sociales et libérales. Il s’agit de l’un des plus jeunes partis du Kazakhstan, créé en 2015 par la fusion du Parti social-démocrate kazakh «Auyl» et du Parti des patriotes du Kazakhstan. Affiché comme « rural », Ahul, qui signifie « village » se concentre sur le soutien des familles nombreuses, traditionnelles au Kazakhstan. La rhétorique de campagne de ces législatives s’appuie sur le constat post COVID que les agriculteurs qui nourrissent le pays sont trop souvent oubliés, au profit des populations urbaines, dont les activités se seraient avérées moins essentielles dans la crise. Les « ruraux » représentent ainsi 42% de l’électorat du parti et comprennent des électeurs des petites villes.

Le parti majoritaire, fondé par l’ancien président, Nur Otan, se définit comme centriste et central. Il dispose de l’infrastructure la plus organisée et la plus ramifiée du pays. Le parti dispose de divers comités internes, d’une aile jeunesse et de ses propres ressources médiatiques.

Les primaires du parti Nur-Otan ont été particulièrement remarquables et sans précédent par leur ampleur et leur contenu. Plus de 600 000 citoyens y ont pris part, 11 000 candidats, dont 5 000 ont passé les primaires. Mais il faut aussi prendre en compte l’échelle organisationnelle, le nombre de membres et les capacités du parti Nur-Otan qui compte en effet 80 à 90 députés sur une chambre de 107 élus.

Les experts de l’Institut kazakhstanais des études stratégiques, qui citent Montesquieu dans le texte, constatent que la transition vers un système proportionnel va voir les partis se concurrencer pour un niveau de représentation, là où ils s’affrontaient avant pour un mandat parlementaire. Selon eux, a priori, quatre ou cinq partis devraient entrer cette fois au Parlement.

En 2021 et depuis les amendements de 2017 à la constitution de 1995, le gouvernement doit démissionner avant les élections du Majhilis. Ceci va clairement dans le sens d’un renforcement du rôle du parlement, dans un système présidentiel initialement fort.

Il semble que les partis aient montré leur capacité à mener campagne malgré la pandémie. Des débats ont été menés dans les grandes villes et dans les régions, avec pas moins de 700 observateurs issus de 21 pays. Une ouverture dont les Kazakhstanais semblent fiers.

 


 

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