D’après un récent sondage Ifop, un quart des personnes LGBT+ déclare avoir été victimes de discriminations sur leur lieu de travail. Des moqueries, insultes, mises à l’écart et même de la violence pour 10 % d’entre eux. Certains employeurs, comme Thalès, EDF ou Legrand, ont signé la charte de l’Autre cercle, une association qui milite pour la « visibilité » de ces personnes en entreprises.
Peur des bruits de couloirs, des moqueries, de la mise au placard, d’un traitement inégal : ce n’est pas nouveau, les personnes appartenant à une minorité sexuelle (LGBT+) ne perçoivent pas toujours leur lieu de travail comme un endroit où il fait bon vivre. Et ce à juste titre. D’après le rapport publié en 2019 par SOS Homophobie, qui recense comme chaque année les appels et signalements que l’association a reçus – celle-ci pointant une « progression alarmante des agressions signalées » –, l’environnement professionnel reste très perméable aux insultes, discriminations en tout genre et agressions (11 % des cas), après Internet (23 % des cas) et les lieux publics (13 % des cas).
Quand ce ne sont pas les insultes (54 %), les discriminations (44 %) ou le harcèlement (42 %), les victimes, qui ont entre 35 et 50 ans en majorité, souffrent du rejet dans 63 % des cas – le fait, le plus souvent, de leurs collègues (52 %). Résultat de cette LGBTphobie au travail, seulement 52 % des personnes lesbiennes, gays ou trans osent afficher leur appartenance sexuelle au travail, et 24 % d’entre elles se disent mal à l’aise à l’idée de la révéler, selon le baromètre Out@Work du Boston Consulting Group (BCG). 30 % des personnes LGBT+ estimeraient même que c’est risqué.
« Alarmants, les chiffres du rapport sur l’homophobie 2019 attestent de manifestation de LGBTphobies durablement ancrées dans notre société en dépit de l’évolution législative », indiquaient à l’époque Véronique Godet et Joël Deumier, coprésidents de SOS Homophobie. Pourtant, « les lois instituant le Pacs, créant la circonstance aggravante pour les infractions LGBTphobes, donnant la possibilité aux associations de lutte contre les discriminations de se porter partie civile à un procès, ouvrant le mariage et l’adoption à toutes et tous, facilitant, même insuffisamment, le changement d’état civil des personnes trans : toutes ont contribué à une plus grande inclusion des personnes LGBT+ dans la société. »
Action volontariste des employeurs
Raison pour laquelle certaines associations ont souhaité prendre les choses en main, afin d’améliorer une bonne fois pour toutes le quotidien des salariés discriminés. C’est le cas de l’Autre cercle, à l’origine de la création en 2013 d’une charte d’engagement en faveur des personnes LGBT+ signée par plus de 130 employeurs publics et privés. D’après les résultats du récent Baromètre Autre cercle-Ifop sur l’inclusion des personnes LGBT+ au travail conduite pour l’association, un quart de ces « invisibles au travail » déclarent avoir été victimes de discriminations – moqueries, insultes, mises à l’écart et même violence pour 10 % d’entre eux. Et un salarié gay ou une lesbienne sur deux cacherait son orientation sexuelle de peur de remarques déplacées ou d’être rejeté.
Catherine Tripon, porte-parole de l’association, mise sur « la pédagogie » et « l’engagement », pour venir à bout des discriminations – ou de la peur d’être discriminé – sur le lieu de travail. Avec des progrès qui commencent à se faire sentir dans certaines entreprises. « On a à peu près deux LGBT+ sur trois ‘‘visibles’’ dans les entreprises signataires de la charte contre à peine un sur deux dans les autres. Donc, quand il y a une action volontariste de l’employeur, public ou privé, cela permet de lever un peu les freins », s’est-elle réjoui sur Europe 1. A charge pour ce dernier d’inclure la thématique LGBT+ dans une politique de promotion de la diversité et de prévention des discriminations, par exemple.
« L’orientation sexuelle et l’identité de genre, sujets relevant de l’intime comme les convictions religieuses, sont abordées par cette charte, sous un angle RSE et RH, pour s’assurer que les pratiques ne sont pas discriminantes, que les avantages et droits accordés dans le cadre de l’articulation des temps de vie, de la conjugalité, de la parentalité sont bien adaptés et accessibles, y compris dans la confidentialité, pour tou.te.s les collaborateur.rice.s », renseigne l’Autre cercle. Qui précise également que « les employeurs signataires sont devenus de véritables moteurs de la diversité et de l’inclusion LGBT, en partageant leurs expériences à travers des groupes de travail » par exemple.
« Soi-même au travail »
Thalès en fait partie. Pour le groupe d’électronique, il s’agissait, en signant la charte, de remplir non seulement un devoir moral, mais également de permettre à l’entreprise de gagner en compétitivité. « Nous sommes en effet convaincus que c’est en permettant à chacun d’apporter sa perspective, son expérience, son caractère unique, en un mot sa différence – tout en créant un sentiment d’appartenance commun – que nous bâtirons un environnement propice au foisonnement d’idées et de créativité. C’est comme cela que nous resterons à la pointe de l’innovation », affirmait le groupe l’an dernier.
Autre acteur majeur de l’industrie française à avoir signé la charte, EDF, leader européen de l’électricité et partenaire de l’Autre cercle depuis 2010. L’électricien a souhaité prendre part à la consultation nationale sur l’inclusion dans leur environnement de travail des personnes LGBT+, organisée par l’association dans le cadre de son Baromètre. Quelque 2 427 personnes volontaires issues d’un panel de 10 000 salariés ont répondu à l’enquête, soit 24 % de participation. « Cette enquête est précieuse pour renouveler notre état des lieux et identifier les nouvelles actions de progrès à mener. Notre objectif est de garantir un environnement professionnel inclusif et respectueux de tous, quelle que soit l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. » commente jean-Claude Baudens, directeur Santé Sécurité et Performance au travail chez EDF. Depuis vingt ans, l’entreprise s’engage pour développer la mixité et garantir une égalité de traitement et des chances, ce qui se traduit par la signature régulière d’accords collectifs en France et dans le monde.
« Convaincu qu’un environnement inclusif amène plus de bien-être et de performance », Legrand, l’un des leaders mondiaux des systèmes électriques et réseaux d’information, fait également partie des signataires de la charte l’Autre cercle, et était présent lors de la cérémonie qui s’est tenue le 12 février dernier à l’Hôtel de Ville de Paris pour rendre public les résultats du Baromètre,. L’occasion, pour l’association, de rappeler qu’elle organise, pour la deuxième année, l’édition 2020 des 80 rôles modèles et allié.e.s LGBT+ en France, visant à mettre en lumière le « succès professionnel » et le « rôle social » de certaines personnes appartenant à une minorité sexuelle. Avec « un seul objectif : que chacun.e puisse être soi-même au travail ».