Le secteur des énergies renouvelables accélère son développement, ce qui constitue une bonne nouvelle pour la lutte contre le réchauffement climatique. Mais est-ce pour autant sans conséquence pour la biodiversité ? Les spécificités des écosystèmes naturels sont intégrées très en amont par les porteurs de projets énergétiques. Tant et si bien que l’installation de certaines infrastructures comme les éoliennes offshore, peuvent permettre d’enrichir significativement la connaissance des milieux naturels qui les accueillent.
La mise en place stratégique d’un projet renouvelable
En 2015, la loi de Transition énergétique votée par le parlement fixait des objectifs ambitieux. Parmi les plus significatifs : l’augmentation de la part des énergies renouvelables pour atteindre 32% du mix énergétique français à horizon 2030. Une dynamique positive qui s’est concrétisée par le lancement de nombreux projets, notamment dans l’éolien, qui représente aujourd’hui 4,5% de la production d’électricité nationale.
L’installation d’équipements énergétiques renouvelables nécessite des travaux de construction qui peuvent affecter l’environnement local. Afin de respecter la vie des écosystèmes et de limiter les perturbations, des procédures de précaution ont été instaurées.
Chaque projet est en effet précédé d’une étude d’impact. Elle permet d’anticiper les effets potentiels de l’installation de l’infrastructure énergétique au regard des particularités des espèces présentes sur le site et ses environs. Les répercussions sur la biodiversité dépendent des espèces et des milieux naturels où ils sont implantés. Dans le cas d’un parc éolien, on prendra compte de variables telles que le positionnement des éoliennes, entre autres, pour éviter que les pales ne gênent les déplacements des espèces.
L’enjeu est donc bien de s’adapter au milieu naturel et pour ce faire, les porteurs de projets s’appuient sur l’expertise des associations environnementales comme la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) et la Société Française d’Étude et de Protection des Mammifères (SFEPM). A l’issue de l’installation des infrastructures, un suivi est assuré pour observer l’évolution de la biodiversité dans la durée.
L’impact de l’éolien sur l’avifaune
En raison notamment de leur dangerosité supposée pour les oiseaux et les chauves-souris, les éoliennes sont souvent celles qui recueillent le plus d’opposition parmi les différentes installations d’énergies renouvelables. Qu’en est-il au regard des données disponibles à ce jour ?
Les chiffres recueillis aux Etats-Unis font aujourd’hui état de 234 000 à 573 000 morts d’oiseaux induites par les installations éoliennes chaque année. En comparaison, et toujours aux Etats-Unis, les collisions avec les lignes à haute tension représenteraient 22 millions de morts d’oiseaux, et celles avec les voitures ou les immeubles plusieurs centaines de millions. En France, la Ligue de protection des oiseaux a également mené une vaste étude de l’impact des éoliennes sur l’avifaune. En compilant les données de 1 065 éoliennes réparties dans 142 parcs éoliens français, l’association constate un nombre de collisions relativement faible, et très variable d’un parc à l’autre.
Participer à la biodiversité
Énergies renouvelables et biodiversité seraient-ils donc compatibles ? A n’en pas douter pour certains acteurs énergétiques, qui défendent une approche positive de la biodiversité, en allant plus loin que la seule étude des milieux naturels. C’est le cas du groupe EDF dans le cadre de son projet “ambition 2030”, qui propose de développer conjointement les biodiversités locales à ses projets d’énergie renouvelables, notamment hydroélectriques. L’électricien a ainsi travaillé avec le Conservatoire botanique national alpin pour renaturer les berges à partir de plantes d’origine locale à l’occasion de l’aménagement d’un barrage hydroélectrique sur la rivière de Romanche en Isère. L’opération visait à recréer l’environnement local et à lutter contre les espèces invasives.
De manière plus large, 65 entreprises françaises, dont EDF, Suez, Engie ou encore Veolia, se sont engagées dans l’initiative Act4nature, qui vise à prendre en compte le développement des biodiversités locales lors de la mise en place de projets. La démarche est conduite en partenariat avec des institutions scientifiques, plusieurs associations de protection de l’environnement et les pouvoirs publics.
La perte de biodiversité est devenue un sujet d’attention et les entreprises mesurent vraiment les risques qui pèsent sur leurs modèles économiques à terme autant que les opportunités qu’elles peuvent y trouver.
Certaines démarches récentes s’inscrivant dans cette logique de préservation de la biodiversité permettent même d’en savoir plus sur les environnements naturels, en particulier dans le secteur de l’éolien offshore. De quoi enrichir la connaissance de sites encore très peu explorés aujourd’hui.
La biodiversité marine sous observation
Non loin de Montpellier, le spécialiste de la collecte et de l’élevage de post-larves Ecocéan a installé le 2 juin dernier une bouée d’observation de la biodiversité marine baptisée « Bob », à 16 km des côtes de Leucate (Aude). Précisément là où Engie, EDPR (Energias de Portugal Renovais) et la Banque des territoires prévoient d’installer une ferme pilote d’éoliennes offshore.
Bijou d’innovation de 15 mètres de haut, Bob comprend plusieurs « Biohuts », des habitats de différentes formes constitués de substrats d’huîtres, de bois et d’acier. « Ces anfractuosités sont favorables à l’installation et au développement des larves d’espèces marines » indique Gilles Lecaillon, Président fondateur d’Ecocéan.
Bob permettra d’observer les espèces susceptibles de se développer autour des futures structures éoliennes. Une opportunité unique pour mieux connaître le parc Naturel Marin du Golfe du Lion, où il est implanté. Les poissons et les invertébrés seront ainsi étudiés pendant deux ans. « Cette étude permettra de mieux comprendre les processus et la connectivité biologique entre les différents écosystèmes artificiels côtiers, et de voir s’il y a une différence de biodiversité avec ou sans structures au large… Il s’agit d’une 1e mondiale, à notre connaissance » souligne par ailleurs Gilles Lecaillon.
Du côté de la Manche, l’Ifremer a quant à elle mené fin juin 2019 une étude consistant à mesurer le champ magnétique de trois câbles sous-marins reliant Paimpol-Bréhat à l’île de Jersey et son impact sur la faune sous-marine locale. En inspectant notamment les structures de béton d’une plate-forme d’hydroliennes au large de Paimpol, les chercheurs ont découvert que de nombreuses espèces, et notamment des homards, avaient colonisé les installations.
A n’en pas douter, l’accélération des projets d’énergies renouvelables devrait conduire à mieux connaître la biodiversité et à inciter chacun à la préserver.