Cet été, le gouvernement a lancé le contrôle des arrêts maladies, en forte hausse depuis quelques années. L’assurance-maladie a déjà contacté les praticiens qui en prescrivent deux à quatre fois plus que la moyenne. Objectif : en finir avec les arrêts maladies de complaisance pour réduire le coût des indemnités journalières.
En 2022, au moins 8,8 millions d’arrêts maladies ont été enregistrés en France d’après le Baromètre Absentéisme de Malakoff Humanis. Cette hausse du nombre d’individus ayant interrompu leur activité pour cause de santé n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans une tendance de fond observée au cours de la dernière décennie. En dix ans, il y a eu une augmentation de près de 2 millions, avec les 6,4 millions de cas en 2012.
Baisser les dépenses de santé pour réduire le déficit public
Logiquement, le coût des indemnités journalières a crû parallèlement. En effet, il a progressé de 5,5 % par an en moyenne entre 2019 et 2022 contre 2,3 % de 2010 à 2019. L’année dernière, la facture s’est élevée à plus de 14 milliards d’euros, selon un rapport publié fin juin par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Si l’on tient compte des coûts liés à la prise en charge des femmes et des Covidés, elle atteint près de 15,8 milliards d’euros, en hausse de 13,9 % sur un an.
Dans un contexte de réduction du déficit public, ces dépenses ne peuvent passer inaperçues. Ainsi, le gouvernement, qui veut économiser au moins 10 milliards d’euros sur le budget 2024, veut couper dans la Santé. Et il a décidé de s’attaquer aux arrêts maladies. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a demandé à la CNAM de faire le ménage. Plus exactement de faire une chasse aux médecins considérés comme des sur-prescripteurs.
Limiter le nombre d’arrêts maladie ou prendre des sanctions
Depuis le début de l’été, l’assurance maladie a déjà contacté près de 5.000 praticiens ayant prescrit des arrêts maladies deux à quatre fois plus que la moyenne. Ces professionnels, trop généreux en arrêts de travail, sont sous surveillance et devront justifier leurs pratiques auprès de la sécurité sociale. Si pratique avérée, ils devront limiter le nombre et la durée de leurs arrêts maladie sous peine de sanctions. Anne-Sophie Godon-Rensonnet, Directrice des services et de l’observatoire de la performance sociale de Malakoff Humanis, remet en cause cette méthode du gouvernement pour faire des économies dans la santé.
Hausse des troubles psychologiques dus au stress
Selon cette responsable d’assurance, « il serait simpliste de dire que c’est la faute des médecins ». Les arrêts de travail relèveraient plutôt de certains phénomènes comme le vieillissement de la population active (qui devrait s’accentuer avec la réforme des retraites), l’augmentation des troubles musculosquelettiques ainsi que la hausse des troubles psychologiques dus au stress au travail, surtout au niveau des managers. Pour sa part, Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre (UFML), évoque « une relation au travail qui a changé depuis le Covid ».
Pour la mise en place de dispositifs de prévention et d’accompagnement
Il estime que le contrôle de praticiens qui délivrent trop d’arrêts maladies n’est pas une bonne idée. « Ça va faire pschitt, je vous l’annonce », a-t-il prévenu au micro de RTL. Comme lui, la plupart des praticiens considère la chasse aux arrêts maladie dits de complaisance comme inique et contre-productive. Ils se sentent désormais infantilisés et pensent que leurs collègues, qui seront épinglés, se verront comme les mauvais élèves qui ne font pas bien leur travail. Pour enrayer le phénomène, ils conseillent à l’Etat de prendre des mesures idoines. Comme l’aide aux entreprises pour la mise en place de dispositifs de prévention santé et l’accompagnement des arrêts maladies et des fragilités sociales.