Transitions démocratiques : interview de Kimmo Kiljunen

Société

Qu’est-ce qu’une transition démocratique ? Comment passe-t-on d’un régime autoritaire à une démocratie ? Peut-on imposer la démocratie de l’extérieur ? Y-a-t-il une ou plusieurs spécificités européennes en la matière ? Dans le cadre de l’Association des parlementaires européens, une table ronde organisée le 28 septembre par l’Institut des transitions à Strasbourg à quelques pas de l’hémicycle, a permis d’aborder le sujet des transitions démocratiques et le rôle du Conseil de l’Europe. Décryptage avec Kimmo Kiljunen, vice-président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et rapporteur de la mission sur la Biélorussie.

Aymeric Bourdin : Depuis septembre 2020, vous êtes le « rapporteur Biélorussie » au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. En quoi consiste votre mission?

Kimmo Kiljunen : Je dirige le processus d’élaboration du rapport baptisé « Processus national politique inclusif au Bélarus ». Dans ce cadre, nous travaillons à la fois avec les autorités biélorusses, les opposants de l’intérieur et les opposants en exil afin de créer les bases d’un dialogue. Comme les autres institutions européennes, le Conseil de l’Europe se soucie grandement de la situation en Biélorussie, en particulier au sujet des droits de l’homme.

AB : Concrètement, que fait le Conseil de l’Europe vis-à-vis de la Biélorussie ?

KK : Après l’élection présidentielle d’août 2020 au Bélarus, le Conseil de l’Europe a publié deux rapports que l’Assemblée parlementaire a approuvés en avril dernier. Ces textes concernent la situation des droits de l’homme dans le pays et la loi électorale. Dans les deux cas, ces rapports évaluent le passé de manière critique. De mon côté, je me tourne vers l’avenir : quelles sont les options pour que la Biélorussie devienne un jour membre du Conseil de l’Europe ? C’est notre objectif majeur. Cela suppose d’abolir la peine de mort, d’organiser des élections libres et équitables tant du point de vue des standards internationaux que vis-à-vis des Biélorusses. Nous nous concentrons tout particulièrement sur le processus de réforme constitutionnelle. 

AB : Si vous maintenez le dialogue avec le régime biélorusse, est-ce pour éviter le chaos que créerait une crise politique ?  

KK : Absolument. Notre approche est fondée sur le dialogue afin de réaliser une transformation non-violente et progressive. Le Conseil de l’Europe fournit une plateforme de dialogue sans s’ingérer. C’est aux Biélorusses d’agir. A l’heure qu’il est, j’ai des contacts approfondis avec l’opposition en exil, dont j’ai rencontré tous les leaders, mais aussi avec les autorités de Minsk, en particulier l’Assemblée nationale, le ministère des Affaires étrangères et le Conseil constitutionnel. Les deux parties se sont engagé à dialoguer. Je n’ai néanmoins noué aucun contact avec l’opposition présente en Biélorussie car la majorité de ses membres ont été emprisonnés.

AB : Paradoxalement, le Conseil de l’Europe s’engage sur le dossier biélorusse alors que Minsk n’en est pas membre. Que fait l’Organisation pour la Stabilité et la Coopération en Europe (OSCE) à laquelle appartient le Bélarus ?

KK : En effet, la Biélorussie n’est pas membre du Conseil de l’Europe mais Etat associé à la commission de Venise pour la démocratie par le droit. Quant à l’OSCE, dont Minsk est membre à part entière, c’est une organisation incapable. Malheureusement, il ne se tient de discussions sérieuses ni au Conseil permanent ni à l’Assemblée de l’OSCE. Bien que la Biélorussie n’en soit pas membre, le Conseil de l’Europe a davantage de marges de manœuvre.

AB : … au point d’avoir pu vous rendre sur place ?

KK : Non. J’ai tenté de m’y rendre mais les conditions de ma visite ne sont pas réunies, notamment depuis le détournement de l’avion de la Ryanair le 23 mai [Ndlr : afin d’y arrêter un opposant]. Je suis toujours ouvert à une visite mais la situation politique actuelle complique son organisation. Mais nous poursuivons le dialogue pour déterminer le moment favorable à ma visite ainsi qu’à l’invitation d’une délégation des autorités biélorusses aux réunions que nous tenons à Strasbourg.

 

 
 


 

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