Monique Dagnaud : « l’économie collaborative génère de nouvelles pratiques »

Travail

Monique Dagnaud est sociologue et directrice de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Dans  « Le modèle californien : comment l’esprit collaboratif change le monde ? » paru en 2016, elle dresse une analyse de l’économie collaborative. Elle a répondu à une interview sur le sujet. 

Comment l’économie collaborative transforme-t-elle les villes ?

Cette économie collaborative, elle les transforme de deux façons. D’un côté, vous avez tout un ensemble d’incubateurs qui sont crées pour permettre à de nouvelles start-up de se développer, de proposer de nouveaux services au service de la ville et à la société contemporaine. Du point de vue des consommateurs, vous avez effectivement de plus en plus de gens qui ont acquis un mode de vie écologique. On se déplace à vélo, on utilise les transports en commun. Ils sont donc une vision de grande mobililité dans la ville.

Selon vous, pourquoi l’économie collaborative accentue-t-elle les inégalités ?

Elle les accentue beaucoup au niveau de l’univers du travail. Les start-ups, les gens qui initient cela, sont des gens qui ont de hauts diplômes. Les écoles de commerces et d’ingénieurs poussent les jeunes à créer des entreprises. D’un autre côté, cette réorganisation du travail crée beaucoup d’emplois « déqualifiés », ou peu d’emplois. Il y a une partie qui ne peut pas rentrer dans cette économie de la connaissance. Si vous avez peu de diplômes ou zéro diplôme, ce qui est encore une partie importante de la jeunesse, vous avez encore plus de mal à entrer dans le monde du travail.

Que faire pour que cette économie collaborative profite à tous ?

Pour qu’elle soit plus inclusive, c’est vraiment très clair : efforts éducatifs. On ne peut plus, aujourd’hui, pour s’insérer dans ce monde là, se contenter d’avoir uniquement sa force de travail. Il faut avoir des connaissances, être capable de se « reprogrammer » facilement face à cette société qui bouge beaucoup… Il faut avoir des diplômes, parler plusieurs langues. La terre est plate, on va d’un pays à l’autre… Bien sûr, c’est un modèle culturel qui s’étend, mais qui est surtout pratiqué par une partie de la jeunesse. L’autre partie de la jeunesse est composée de jeunes observateurs, peut-être émerveillés mais souvent aussi très frustrés.

 

« Cette économie génère de nouvelles pratiques, et a des effets sur l’organisation de nos villes : reconfiguration des lieux de travail, des façons de consommer, de se déplacer, de se divertir. Mais cette économie est avant tout portée et utilisée par de jeunes générations urbaines et diplômées, à l’aise avec les outils numériques. Elle creuse le fossé entre ceux qui peuvent y participer et les autres », affirme la sociologue.

 

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