Projets miniers : et si la France réinvestissait ses ressources naturelles ?

Economie

Par Jean-François Moreau, journaliste et consultant spécialisé sur les problématiques industrielles et énergétiques.

Prôné par Arnaud Montebourg puis par Emmanuel Macron, le retour des mines en France fait figure d’équation aux nombreuses inconnues économiques et environnementales dont il est difficile d’évaluer le degré de réalisme ou le caractère profitable. À l’heure de la réforme du code minier, un état des lieux s’impose.

La France métropolitaine compte environ 450 concessions minières valides, mais seulement une vingtaine sont exploitées. Les autres concessions ne sont plus en activité mais conservent une valeur juridique : elles furent en effet attribuées à une période où l’on ne fixait pas d’échéance. Le législateur a cependant décidé de l’expiration de ces concessions à durées illimitées au 31 décembre 2018 faute d’exploitation.

L’activité minière métropolitaine se concentre essentiellement sur le sel (20 concessions en activité). La France produit également de la bauxite (deux exploitants dans l’Hérault), des schistes bitumineux (mines d’Orbagnoux dans l’Ain) et un peu de tantale, de niobium et d’étain dans la carrière d’Echassières (Allier). Mais l’essentiel des richesses minières françaises se trouvent dans ses territoires ultramarins.

L’activité minière demeure vivace en Guyane, reposant largement sur la production aurifère. Une centaine de titres d’exploitation sont recensés au profit de petits artisans locaux produisant 1 et 2 tonnes d’or par an. La région est toutefois particulièrement touchée par l’orpaillage illégal qui produirait de 10 à 12 tonnes par an. La Nouvelle-Calédonie présente avec ses 11 millions de tonnes de réserves minières le deuxième potentiel productif mondial de nickel. Le secteur représente près de 90% des exportations du territoire. L’île possède également des ressources en chrome, dont l’exploitation n’a jamais repris depuis la fermeture de la mine souterraine de Tiébaghi en 1991.

Un secteur redevenu stratégique

Plusieurs raisons expliquent l’affaiblissement progressif de l’activité minière en France à partir des années 1970. Celle-ci impliquait de forts risques d’exploitation et devait justifier d’un fort impact environnemental, qui affectait aussi bien les mineurs que les bassins de population alentours. L’émergence de solutions de substitution aux charbonnages et d’une concurrence internationale plus compétitive pour les activités d’extraction de minerais expliquent également ce déclin. Mais les avancées technologiques et la configuration économique actuelle viennent remettre en cause la situation héritée du XX° siècle.

Les ressources minières constituent des intrants indispensables aux technologies soutenant les sociétés modernes. Des pans entiers de l’économie y sont fortement dépendants : aéronautique et aérospatial, informatique et télécommunications, automobile, industrie de la défense, secteur du BTP, la chimie, l’éclairage, énergies renouvelables… La tertiarisation de l’économie, décrite par Pierre Veltz comme la transition vers une société hyperindustrielle, n’a ni réduit son empreinte écologique réelle, ni diminué la dépendance des matières premières. L’abandon de l’activité minière et le caractère protéiforme des besoins en métaux de l’industrie française oblige au recours systématiquement à l’importation.

Sécurité économique… et responsabilité environnementale

La dépendance française vis-à-vis de ses fournisseurs pose des problèmes d’approvisionnement et d’« externalisation des externalités ».

La demande mondiale en métaux ne cesse de croître sous l’influence des économies chinoise, indienne ou brésilienne, entrainant les cours boursiers à la hausse. Ces mêmes métaux deviennent l’enjeu de spéculations financières (cuivreor, etc.) entretenant la volatilité des cours et suscitant des difficultés d’approvisionnement. Ce phénomène se révèle problématique pour les secteurs stratégiques de l’économie française : transport, énergie, nucléaire, armement, etc. Il apparait primordial de sécuriser les approvisionnements de l’industrie française en métaux critiques.

Par ailleurs, la France se doit d’assumer la part de responsabilité environnementale liée à l’état de son système économique. Il ne semble ni éthique, ni souhaitable du point de vue environnemental de poursuivre le mouvement d’importation massive. Les pays producteurs ne disposent que rarement de réglementations sanitaires et environnementales adéquates et de procédés technologiques aussi avancés que ceux que notre industrie est capable de déployer.

La France possède des réserves avérées en tungstène, en or, en plomb, en zinc et en cuivre dont l’exploitation potentielle serait désormais rentable considérant l’état du marché mondial des métaux. Il en va de notre responsabilité économique mais également environnementale de mettre à profit ces ressources. Le caractère stratégique de certains métaux renforce la pertinence économique des explorations.

Favoriser l’émergence de projets nouveaux

La volonté de relancer l’activité minière a été manifestée en 2012 par le Ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg. Depuis, onze Permis Exclusifs de Recherches de Mines (PERM) ont été accordés et une dizaine sont à l’étude. Objectif de l’État : réaliser un inventaire minier afin d’attirer de nouveaux investisseurs et de favoriser l’ouverture d’exploitations.

L’émergence de projets d’exploitations minières dépendra en premier lieu des résultats des campagnes d’exploration, de la conjoncture économique et de la capacité à mener effectivement l’exploration sur les territoires.

En la matière, les territoires ultramarins devancent la métropole : seuls les projets de mines d’or en Guyane sont réellement à l’étude. Si le gouvernement souhaite conserver majoritairement une exploitation artisanale, il est envisagé d’implanter un à deux projets miniers de grande envergure devant permettre accroître le dynamisme économique de la région, d’assurer le développement d’infrastructures (notamment routière et électrique) et d’occuper le terrain, aux côtés des autres exploitations légales et à la place des orpailleurs illégaux. Sont ainsi à l’étude, le projet de la compagnie minière française Auplata prévoyant d’exploiter le gisement de Yaou, celui de la Montagne d’Or par un consortium russo-canadien, ou encore le projet franco-canadien « Boulanger ».

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