Un nouveau programme d’éducation sexuelle doit être présenté en décembre prochain, soutenu par Anne Genetet, la ministre de l’Éducation nationale. Ce sujet, souvent négligé, est pourtant crucial, comme l’a souligné jeudi dernier la sexologue Catherine Solano sur RMC lors de l’émission « Estelle Midi ». De son côté, Anne-Sophie Simpere, militante associative, souligne que la France accuse un retard de « 20 ans » en matière d’éducation sexuelle.
La ministre s’est prononcée en faveur d’une refonte du programme d’éducation à la vie affective et sexuelle, avec un déploiement prévu pour la rentrée 2025. Elle a indiqué, lors de son audition par la commission de la Culture et de l’Éducation au Sénat, avoir pris le temps de relire attentivement le programme, qu’elle considère « très complet ».
Des séances obligatoires, mais peu réalisées
Bien que l’éducation sexuelle soit inscrite dans la loi depuis 2001, stipulant trois séances obligatoires par an au collège et au lycée, la réalité est tout autre. Un sondage du collectif Nous Toutes révèle que seulement 13% de ces séances sont effectivement dispensées. De plus, ces cours sont souvent abordés d’un point de vue scientifique, principalement par des professeurs de sciences de la vie et de la Terre (SVT).
L’éducation sexuelle joue pourtant un rôle fondamental. Elle aide les élèves à mieux comprendre leur corps, à préserver leur intimité, à signaler des problèmes éventuels, et surtout à appréhender la notion de consentement.
Pour Anne-Sophie Simpere, il est indispensable de traiter ce sujet. Elle rappelle qu’un rapport publié en 2022 a mis en évidence le retard de la France dans ce domaine. « C’est nécessaire pour protéger les jeunes, détecter les cas d’agression sexuelle, et aborder des thèmes comme les discriminations, l’image de soi et l’impact des réseaux sociaux. C’est fondamental pour former des citoyens responsables », affirme-t-elle.
Des moyens insuffisants ?
Benjamin Amar, professeur d’histoire-géographie et militant CGT, soulève des questions concernant l’absence de moyens adéquats, notamment dans un contexte où 4 000 postes dans l’Éducation nationale doivent être supprimés. Il dénonce la dégradation du service public éducatif, exacerbée par des politiques d’austérité persistantes. « Il est essentiel d’avoir les ressources nécessaires, y compris une formation adéquate pour les enseignants. De plus, de plus en plus de contrats précaires rendent difficile une formation de qualité », ajoute-t-il.
L’impact de la pornographie
Catherine Solano met également l’accent sur l’importance de ces cours, arguant que les parents, souvent, ne parviennent pas à en parler avec leurs enfants. Elle observe que les pères sont particulièrement réticents à aborder le sujet. Pour les mères, il est plus difficile de discuter des expériences d’un adolescent, en particulier lorsqu’il s’agit des garçons, pour qui les préoccupations peuvent sembler moins pressantes.
Solano souligne également que la pornographie a un impact dévastateur. Elle plaide pour une meilleure régulation afin que celle-ci soit réellement inaccessible aux mineurs, suggérant que des amendes dissuasives pourraient financer l’éducation sexuelle à l’école. « La pornographie a des conséquences terribles, et les relations amoureuses ont considérablement évolué », déclare-t-elle.
Elle rappelle que 98% des agresseurs sexuels sont des hommes. Pour elle, il est crucial d’enseigner dès le plus jeune âge des concepts tels que le consentement et une sexualité saine, afin de prévenir des comportements problématiques, y compris les violences sexistes et sexuelles. Solano précise qu’une éducation adéquate peut même empêcher que certains enfants deviennent agressifs, une réalité préoccupante à laquelle il faut faire face.
Le constat est accablant : la France enregistre environ 15 000 interruptions volontaires de grossesse (IVG) chez des mineurs chaque année, soit quatre fois plus que chez ses voisins européens. De plus, une agression sexuelle, un viol ou un inceste touche un enfant toutes les trois minutes, un taux record en Europe. Enfin, près de 45% des enfants de moins de 14 ans ont déjà été exposés à des contenus pornographiques explicites sur des sites gratuits.