Economie

Trump déclenche une guerre commerciale avec l’UE

La menace venue de Washington planait depuis trois mois. L’acier et l’aluminium européen sont désormais taxés par les Etats-Unis à hauteur de 25 % et 10 %. Une décision hostile vis-à-vis des partenaires commerciaux des Etats-Unis qui a suscité beaucoup de réactions négatives sur le Vieux Continent. Les Européens réfléchissent à une réponse commerciale forte, mais il semblerait que Trump ne fasse que commencer un conflit commercial qui fait peur aux quatre coins du globe.

Les Européens attendaient le tweet fatidique. Un tweet présidentiel annonçant une hausse des droits de douane sur les exportations européennes en direction des Etats-Unis. L’acier sera donc taxé à hauteur de 25 % et de 10 % pour l’aluminium. La seule surprise est venue du fait que l’officialisation de la nouvelle a été de la bouche de Wilbur Ross, ministre américain du Commerce. Pas de tweet décapant donc, mais une nouvelle qui a logiquement suscité de très nombreuses réactions qui déplorent un jeu dangereux de la part de l’administration Trump.

Une négociation sans marge de manœuvre

Comme cela a été bien analysé à Bruxelles, le président américain négocie au niveau international de la même manière qu’il a conduit ses affaires privées. Il menace, fait mine de faire machine arrière et n’hésite pas à aller à la confrontation. En d’autres termes, Donald Trump souffle le chaud et le froid en espérant déstabiliser la partie adverse. C’est ainsi qu’après avoir décidé d’une hausse des taxes douanières en mars, il a gelé le projet avant de mettre ses menaces à exécution contre la seule Chine le 23 mars dernier.

Les Européens ont eu quelques semaines supplémentaires pour trouver un accord, mais les discussions ont vite montré que la marge de manœuvre était trop étroite pour que les diplomates européens parviennent à un accord à l’amiable. Ainsi, ce 1er juin constitue la première journée d’une nouvelle ère commerciale entre les Etats-Unis et l’Europe. Une Union européenne touchée, mais pas seule, car le Canada et le Mexique – pourtant membres de l’Alena avec les Etats-Unis – n’ont pas été non plus épargnés.

La Corée du Sud et le Brésil font figure de rescapés, car ces deux pays n’ont finalement pas été touchés par les hausses douanières. Mais pour cela, la Corée du Sud a dû faire des concessions importantes en acceptant de mettre en place des quotas et en revoyant l’accord « Korus » sur les automobiles. Un secteur qui tient à cœur au président Trump et qui pourrait être l’objet de prochaines salves commerciales notamment en direction de l’Allemagne.

Des Européens unis, mais pour longtemps ?

Ce coup dur pour l’Union européenne a montré qu’une certaine solidarité qui avait tendance à s’effacer face à des choix difficiles a bien fonctionné jusqu’à maintenant. Alors que l’acier avait été un moteur de la construction européenne (Communauté européenne du charbon et de l’acier en 1952), il pourrait devenir un élément fondateur de la cohésion européenne face aux exigences américaines. Les Européens sont restés solidaires alors que la menace américaine se précisait. Les réactions des dirigeants bruxellois et nationaux vont toutes dans le même sens. Emmanuel Macron s’est ému d’une décision « illégale » et « erronée ». Le président français a fait savoir que cette action unilatérale aura des conséquences plus vastes que le simple domaine de l’acier et de l’aluminium dans la mesure où elle « ferme la possibilité d’ouvrir d’autres discussions proactives et positives sur d’autres sujets ».

Angela Merkel a elle aussi dénoncé des taxes « illégales » et craint un « risque d’escalade ». Le risque est en effet bien réel, mais l’UE souhaite rester dans les règles du droit. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a mis en avant les « règles de l’Organisation mondiale du commerce » pour dénoncer un « protectionnisme pur et simple » qui n’est pas justifié. La riposte pensée depuis plusieurs semaines par les Européens doit se faire dans le cadre de l’OMC. Les délais sont donc plus longs, mais cette stratégie qui suit les formes légales pourrait in fine être la plus payante.

Une liste de produits américains à surtaxer est déjà prête et ce sont les exportateurs américains de beurre de cacahuète, jeans, etc. qui pourraient être les premières victimes des contre-mesures européennes. La réaction plus lente des Européens (comparée à celle du Mexique et du Canada qui ont décidé d’un relèvement similaire des barrières douanières à l’encontre des Etats-Unis) constitue toutefois un risque pour leur cohésion.

Les pays de l’UE se sont montrés solidaires, mais une guerre commerciale d’une ampleur croissante pourrait bien fragiliser la cohésion d’ensemble. L’Allemagne est l’Etat européen le plus touché par les mesures américaines. Plus enclins à discuter avec l’administration Trump, les responsables allemands n’ont finalement pas fait défaut à l’Europe, mais la pression pourrait s’accentuer très fortement sur eux. En effet, Donald Trump a demandé il y a quelques jours à Wilbur Ross de mener une enquête sur les importations de véhicules aux Etats-Unis. Une enquête sous forme de menace pour l’industrie automobile allemande qui prospère aux Etats-Unis.

Le conflit n’est pas terminé et il est assez curieux de constater que les Chinois, principaux partenaires visés dans les déclarations de Trump sont certes sous sanction, mais ont entamé de vraies négociations commerciales après des contre-mesures touchant de nombreuses industries américaines. Peut-être est-ce la seule manière de se faire entendre d’un président américain toujours aussi insaisissable.

Laïla Clerc

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