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Compensation carbone : verdir son fric plutôt que la planète

 

La compensation carbone représente aujourd’hui un marché de près de 200 millions de dollars annuels. Essentiellement destinée aux entreprises, elle consiste à planter un arbre pour contrebalancer son empreinte environnementale. Mais est-ce vraiment possible ?

Le marché des compensations carbone, dont chacun peut décider d’être acteur, intéresse particulièrement les entreprises. Soit pour se donner bonne conscience et/ou montrer à la clientèle ou aux consommateurs qu’on se soucie de la planète. Ce secteur n’est pas régulé par une autorité centrale. C’est pourquoi, les entreprises offrent de compenser leurs émissions, avec des niveaux de garantie extrêmement variables.

Le secteur aérien veut contrer le flight shaming

British Airways et easyJet ont promis de devenir neutre en carbone dès l’année prochaine en participant notamment à des programmes de reforestation. A Air France-KLM, on cherche le bon moyen de repousser l’offensive du flight shaming (la honte de l’avion), mouvement promu par l’activiste écologiste suédoise Greta Thunberg et qui perturbe tout le secteur aérien. « A compter du 1er janvier prochain, nous allons compenser l’ensemble de nos vols intérieurs », a promis Anne Rigail, sa directrice générale. Le du groupe franco-néerlandais décaissera 40 millions d’euros par an au niveau européen (norme EU-ETS) et bientôt 150 millions au niveau mondial à l’horizon 2025 dans le cadre du programme CORSIA (programme de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale). Chez Air France on fait déjà valoir que le contexte financier tendu et les taxes locales imposées par les pouvoirs publics, ne permettent pas d’aller plus loin pour le moment.

Dans l’énergie, où la concurrence fait rage pour attirer des nouveaux clients, la compensation sert également d’argument commercial. Pour la souscription d’un contrat « vert », Engie offre par exemple cinq nouveaux arbres à la planète.

Un marché très spéculatif

Un marché volontaire de la compensation carbone s’est aussi développé, suivant le protocole de Kyoto (1997) qui a fixé des obligations réglementaires aux États. Il pèse aujourd’hui près de 200 millions de dollars annuels et se compose de deux catégories. D’une part le marché primaire qui émet les nouveaux crédits carbone, issues notamment de programmes d’aide au développement. D’autre part un marché secondaire, sorte de bourse de l’occasion où des grossistes s’échangent et se revendent les tickets en fonction de l’offre et de la demande.

Chaque année, les deux tiers des échanges ont lieu sur ce marché secondaire, mal structuré. Du coup, c’est très spéculatif. Au niveau mondial, le coût moyen d’une tonne de CO2 n’est que de 3 dollars. Tandis il peut-être de 50 dollars, selon une étude de Ecosystem Marketplace. Chez Air France toujours, le programme volontaire, baptisé « Trip and Tree », serait facturé un peu moins de 30 euros la tonne. Pour mettre un peu d’ordre dans tout ça, deux organisations, le Gold Standard et le Verified Carbon Standard, proposent de labéliser les projets.

Arrivée des Carbon Cowboys

Mais ce brevet de labélisation a montré ses limites. « C’est la grande illusion verte. La certification des programmes coûte très cher. Et sur certains projets, la moitié des financements sont ponctionnés par les différentes strates de vérification », déplore Anne-Laure Sablé, chargée de campagne agriculture pour l’ONG Les Amis de la Terre. Des dérives s’observent d’ailleurs de plus en plus avec les Carbon Cowboys qui débarquent dans les pays du sud pour vendre de faux services de compensation carbone. « D’autres s’approprient des terres de populations locales pour y mettre en œuvre des projets de conservation des forêts », rapporte Alice Valiergue. Dans un marché naissant, encore trop peu réglementé, l’appât du gain a rarement bonne conscience.

Julien Leblond

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